Fin de course, de C.J. Box
Alors qu’il ne va pas tarder à quitter son affectation à Baggs, dans la Wyoming, le garde-chasse Joe Pickett entreprend une dernière expédition dans la Sierra Madre après que des chasseurs lui ont confié s’être fait dérober un wapiti qu’il venait d’abattre. Il rencontre bien vite deux jumeaux vivant reclus dans la montagne et refusant de se soumettre à une quelconque autorité, Pickett devient une proie traquée. Échappant finalement à ses poursuivants il se trouve alors confronté à la mise en doute de son aventure aussi bien par la police locale que par le FBI ou ses supérieurs. Supputant que tout cela cache quelque chose et décidé à réparer l’humiliation qu’il a subie, Pickett décide de retourner dans la Sierra Madre.
Pour la dixième aventure mettant en scène son héros récurent, C. J. Box décide d’offrir au lecteur deux romans pour le prix d’un : un roman du type de ce que l’on appelle dans le cinéma d’horreur « survival » où le personnage principal se trouve traqué par des psychopathes dont on ne peut qu’imaginer ce qu’ils feront de lui une fois qu’ils lui auront mis la main dessus d’une part, une enquête plus classique d’autre part centrée comme souvent chez Box sur des citoyens injustement victimes de la corruption des politiques et de la collusion de ces derniers avec les milieux d’affaires.
Deux romans donc, d’intérêt peut-être inégal avec une grosse centaine de pages de pur thriller à travers cette effrayante poursuite dans les montagnes, et plus deux cents pages où l’auteur s’attarde plus sur le sentiment de peur et d’humiliation que ressent son héros et sur son enquête. Enquête qui est l’occasion pour C.J. Box de faire passer comme souvent un message un peu ambigu sur les valeurs américaines et notamment la liberté et la poursuite du bonheur. Vues par un auteur de ce nord-ouest des États-Unis encore sauvage dans lequel se réfugient nombre de survivalistes et de milices qui ont fait de l’État fédéral leur pire ennemi, ces valeurs ont tôt fait de glisser vers l’autodéfense et la légitimation d’actes moralement répréhensibles au nom de la défense de la liberté. Certes, Box ne prend pas clairement parti et même, à travers le personnage de Pickett, montre que la loi doit l’emporter, mais la manière dont il finit par présenter les jumeaux ermites et la position de Nate Romanowski – l’autre héros de sa série, évoluant de l’autre côté de la loi et en quelque sorte alter ego en négatif de Pickett – demeure ambigüe comme c’est souvent le cas dans ses romans.
Reste que, au-delà de ces considérations, C.J. Box semble, après un coup de mou qui a duré le temps de quelques romans, reprendre du poil de la bête. On retrouve dans Fin de course les ingrédients qui font le charme de cette série : une nature sauvage à la fois refuge et source de dangers particulièrement bien décrite, un suspense bien tenu et les soucis très terre à terre de la famille de Joe Pickett qui permettent de créer une véritable complicité entre le lecteur et le héros. Un honnête divertissement.
C.J. Box, Fin de course (Nowhere to run, 2010), Calmann-Lévy, 2013. Traduit par Aline Weill.
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