Extorsion, de James Ellroy
James Ellroy est un peu la mascotte de Rivages. Celui dont le succès a permis à la collection noire de l’éditeur de s’implanter solidement, l’inamovible tête de gondole. Et donc, même si Ellroy ne publie pas énormément, Rivages se doit de combler régulièrement les attentes des fans en sortant quelques écrits de son auteur phare. En attendant donc le premier volume du nouveau Quatuor de Los Angeles, Perfidia, dont on pourra lire à la fin d’Extorsion deux chapitres inédits mettant en scène – ô joie ! – ce salopard de Dudley Smith et Lee Blanchard, voilà donc un inédit d’Ellroy, moins roman que novella, dont le héros, Fred Otash est bien connu des fidèles du Dog.
Personnage réel et controversé, Otash, dans sa version ellroyenne, est en effet déjà apparu dans la trilogie Underworld USA dans son rôle de fouille-merde/maître chanteur. Dans Extorsion, c’est au purgatoire que l’on retrouve Otash, se faisant piquer le cul par les fourches de ceux et celles – Montgmery Clift, JFK, Marylin ou Ava Gardner – qu’il a fait chanter ou dont il s’est employé à détruire la réputation pour le tabloïd Confidential. Une seule solution s’offre à lui pour quitter cet endroit, raconter sa vie à un plumitif minable qui voudrait vendre ses souvenirs pour en faire une série télé : James Ellroy.
L’habitué retrouve donc là tout Ellroy en concentré, le meilleur comme le pire : l’égocentrisme de l’auteur, ses obsessions tournant autour de la sexualité cachée des stars, la manipulation et le chantage et une écriture hachée, qui court après les pensées du personnage et de l’auteur qui s’enchaînent sans discontinuer. James Dean rabatteur pour Otash, Marlon Brando avec une bite dans la bouche, Liz Taylor lancée dans des parties à trois ou quatre avec Otash et ses maîtresses… Hollywood côté face cachée des stars.
Sorte d’exercice de style un peu anecdotique tour à tour amusant et agaçant qui permet à Ellroy de s’amuser avec un personnage qui, de toute évidence, le fascine, Extorsion a pour fonction essentielle de faire patienter le lecteur avide de lire la nouvelle série de romans d’Ellroy. On le conseillera donc plus aux inconditionnels de l’auteur qu’à ceux qui voudraient le découvrir.
Signalons au passage pour ceux qui seront sur Paris ou Lyon la semaine prochaine, que l’auteur est l’invité vedette du festival Quais du Polar de Lyon du 4 au 6 avril et qu’il sera présent le 1er avril chez l’ami Sébastien Wespiser au Thé des Écrivains. Une occasion exceptionnelle de renifler des petites culottes avec James Ellroy ou de boire du thé.
James Ellroy, Extorsion (Shakedown, 2012), Rivages/Thriller, 2014. Traduit par Jean-Paul Gratias.