Évasion du couloir de la mort, d’Edward Bunker
Après Stark, roman de jeunesse publié il y a quatre ans, Rivages continue l’édition de textes inédits d’Edward Bunker. En l’occurrence, Évasion du couloir de la mort est un recueil de six nouvelles – dont celle qui donne son titre au livre – auxquelles s’ajoute en introduction une lettre de Bunker à son éditeur à propos de ces textes qui constitue elle aussi, à sa manière, une nouvelle à part entière. À la différence près que celle-ci est clairement autobiographique.
On retrouvera dans ce recueil les thématiques habituellement abordées par Edward Bunker dans ses romans. Le rouleau-compresseur qu’est le système judiciaire et pénitentiaire américain, d’abord, qui est au centre du premier texte (« Justice à Los Angeles, 1927 »), mettant en scène un jeune noir décidant d’emprunter pour la soirée, parce que sa voiture ne démarre pas, celle d’un client du garage dans lequel il travaille. Les circonstances le mènent alors dans un engrenage infernal qui va peu à peu broyer l’honnête homme qu’il est pour le transformer en un être soumis à une telle frustration qu’il ne peut plus faire autrement que de recourir à la violence. Cette première nouvelle, électrisante, magnifique dans sa construction implacable et la sobriété de sa narration, vaut à elle seule que l’on s’attarde sur ce recueil.
Les cinq autres nouvelles, plus ou moins longues, n’atteignent sans doute pas la même tension que la première mais s’avèrent être elles-aussi d’une grande qualité. Là encore, on se trouvera confronté à l’implacabilité du système, mais aussi, beaucoup, aux tensions raciales (« Le prix de la vengeance »), et à la manière dont on peut toujours trouver un peu d’espoir, voire une certaine forme de rédemption, quand on se trouve dans une situation vraiment désespérée (« Évasion du couloir de la mort »). Cela ponctué de tranches de vie en prison (« Entrée dans la Maison de Dracula », « Mort d’un mouchard »).
Comme toujours, les héros de Bunker sont loin d’être innocents. Il nous montre toutefois comment un système peut transformer des coupables en bêtes et comment, quand les dés sont pipés depuis le départ, le crime peut devenir le seul choix possible (« La vie devant soi »).
Ce recueil ravira sans doute les lecteurs habituels de Bunker. Il constitue aussi une belle entrée dans son œuvre pour ceux qui ne la connaissent pas encore.
Edward Bunker, Évasion du couloir de la mort (Death Row Breakout and other stories, 2010), Rivages/Thriller, 2012. Traduit par Freddy Michalski.
À propos de Bunker et de ses romans, on peut aussi voir cette chronique.
Du même auteur sur le blog : Stark ;