Eaux, d’Éric Maneval

Publié le par Yan

eauxPremier roman aujourd’hui bien difficile à trouver d’Éric Maneval[1], Eaux mériterait pourtant de pouvoir continuer à être découvert. Car, en effet, ce polar que l’on pourrait un peu vite – à cause de la maison d’édition, du lieu de l’action ou juste par bêtise – classer dans les insignifiants romans régionalistes révèle un écrivain fin qui sait rendre passionnante une intrigue qui, pourtant, peut sembler assez peu originale.

De jeunes randonneurs en kayak dans les gorges de l’Agly, aux confins de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, trouvent un cadavre empalé devant un moulin à eau réhabilité en habitation. Ce cadavre, c’est celui de Georges Menk, écrivain hongrois auteur d’une série de romans policiers et d’espionnage à succès et paralytique. Si la thèse du suicide est d’abord évoquée, elle est bien vite mise en doute au sein de l’équipe d’enquêteurs, d’autant plus que Maria, la séduisante compagne de Menk, a elle aussi disparu.

On le voit, il n’y a rien de bien révolutionnaire dans cette histoire que, pourtant, Maneval arrive à sublimer.

D’abord parce qu’il la dote d’un vrai fond historique, dévoilant peu à peu le destin tragique de Menk et de ses proches, passant par la guerre d’Espagne, les camps de concentration accueillant les Républicains espagnols et la Hongrie communiste, qui n’est pas là que pour servir de décor mais permet de donner une réelle épaisseur à l’intrigue.

Ensuite en arrivant à ancrer tout cela sur ce territoire des Corbières dont on sent bien que l’auteur a su tirer – pour y avoir vécu mais sans en venir pour autant – une excellente connaissance mais aussi en saisir une part véritablement intime des fonctionnements sociaux et des mentalités loin des clichés, sans illusions ni angélisme mais avec aussi une bienveillance bonhomme.

Enfin, parce que l’écriture de Maneval, ciselée et efficace vous entraîne assez vite à sa suite et que l’auteur sait entretenir le suspense, lancer quelques leurres, emmener le lecteur dans quelques cul de sac, bref jouer avec ce dernier et avec ses personnages. Et le plaisir qu’il semble prendre à écrire, à conter, se révèle communicatif.

Plus classique dans sa forme comme dans son fond que l’excellent thriller qu’est  Retour à la nuit, encore un peu bavard parfois, Eaux n’en demeure donc pas moins un roman véritablement consistant que l’on se plaît à lire et qui révèle une plume rare mais véritablement efficace du polar français.

Éric Maneval, Eaux, Éditions de l’Agly, 2000.

Du même auteur sur ce blog : Retour à la nuit ;  Rennes-le-Château, tome sang ;

 

[1] Qu’Hélène soit ici remerciée pour son prêt.

Publié dans Noir français

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L
yep rendons à écorce ce qui lui va de droit, et à éric maneval<br /> du bon, du tres bon, merci pour ton article
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Y
<br /> <br /> You're welcome!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
C
TIens, ça me fait donc penser aux éditions Ecorce, et je vous conseille la lecture de "Pur Sang" de Franck Bouysse, un texte magnifique, entre Etats-Unis et Limousin...
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Y
<br /> <br /> On se vouvoie, maintenant? Donc, merci pour vos conseils, Christophe. C'est bien noté. Je vais essayer de me le procurer.<br /> <br /> <br /> <br />