Dinosaure et camion citerne : Le lézard lubrique de Melancholy Cove, de Christopher Moore
En ces temps de crise économique, d’explosion du prix des carburants et de remise en question de l’utilisation de l’énergie nucléaire, est-il bien raisonnable de promouvoir un livre dans lequel un lézard géant provoque une catastrophe en copulant avec un camion citerne dans une ville dont la centrale nucléaire fuit ?
Essayons tout de même. La ville en question est Melancholy Cove, petite station balnéaire californienne qui, outre les touristes en été, accueille à l’année, une barmaid montée sur le modèle de Terminator, un pharmacien delphinophile (si c’est bien ainsi que l’on désigne les gens qui aiment copuler avec des dauphins et non pas avec des jeunes filles nommées Delphine), une ex-actrice de série Z schizophrène, et une population presqu’entièrement privée de ses antidépresseurs depuis le suicide d’une patiente de la psychiatre locale, ce qui a tendance à réveiller brutalement la libido de tout le monde. À moins bien sûr que l’approche d’un monstre marin préhistorique à la recherche d’un bluesman qui a tué son petit quarante ans plus tôt dans le delta du Mississipi y soit aussi pour quelque chose. Heureusement la loi veille, en la personne de Theo Crowe, flic local accro à la fumette.
Ce qui est sûr, c’est que la petite ville calme risque d’être un peu agitée pendant quelques jours…
Certes Christopher Moore aime les histoires un petit peu extravagantes. Ils nous a ainsi gratifié d’un indien poursuivi par son animal-totem fumeur de joints (Un blues de coyote), d’un treizième apôtre dénommé Beef qui a appris le kung fu avec Jésus (L’agneau), d’une chauve-souris adepte des lunettes de soleil (La vestale à paillettes d’Alualu), d’un hypocondriaque chargé de faire le boulot de la Mort (Un sale boulot), d’un Père Noël assassiné à coups de pelle (Le sot de l’ange), de vampires pas très débrouillards (Les dents de l’amour ; D’amour et de sang frais) et d’un biologiste avalé par une baleine (Le secret du chant des baleines).
Mais malgré cette concurrence nombreuse (et un peu inégale, il faut bien l’avouer), Le lézard lubrique de Melancholy Cove est sans doute le plus déjanté des romans de Christopher Moore qui nous propose là toute une série de moyens pour lutter contre l’ennui : sexe, drogue(s), blues… ou tout simplement lire un de ses bouquins. Éclats de rire assurés, y compris dans les moments les plus « tragiques ».
Signalons au passage l’excellent travail de traduction de Luc Baranger, écrivain de talent dont nous aurons aussi l’occasion de parler.
Christopher Moore, Le lézard lubrique de Melancholy Cove, Gallimard, Série Noire, 2002. Rééd. Folio Policier, 2006. Traduit par Luc Baranger.
Du même auteur sur ce blog : L'Agneau ; Sacré Bleu ;