Compagnie K, de William March

Publié le par Yan

compagnie KL’arrivée des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale à cela de bon qu’elle permet l’émergence de livres oubliés où même inédits. C’est le cas avec Compagnie K, de William March, paru aux États-Unis en 1933 et jamais traduit jusqu’alors en français.

Compagnie K, c’est un peu le pendant américain d’À l’ouest rien de nouveau, d’Erich Maria Remarque, et des Croix de bois de Roland Dorgelès, une immersion dans la vie des soldats confrontés au premier grand massacre de masse du XXème siècle. Comme Dorgelès et Remarque, William March a vécu la guerre dans sa propre chair puisqu’il a combattu en France à partir de 1917, et c’est donc la dureté de sa propre expérience qu’il retranscrit là à travers les voix de plus d’une centaine de marines de la Compagnie K, soldat inconnu compris.

De la mobilisation au retour au pays, les témoignages s’enchaînent et jamais un témoin ne reprend la parole après avoir conté sa vérité sur une parcelle de cette guerre. Parfois ces témoignages se croisent – comme celui de ce soldat assassinant son officier et celui dudit officier contant la manière dont il est tué – s’entremêlent ou s’entrechoquent, donnant une résonance particulière au récit. Particulièrement bien maîtrisé, ce procédé plonge ici littéralement le lecteur dans la tête de ces soldats, héros parfois, simplement humains la plupart du temps, avec ce que cela comporte de lâcheté, de jalousie, de fraternité ou de haine. On vit ainsi les offensives inutiles, les désertions, les automutilations, les sacrifices, les crimes de guerres et les fraternisations entre soldats allemands et français et américains.

On vit aussi la difficulté du retour, ce syndrome post-traumatique qui ne dit pas encore son nom et, surtout, et on lit l’œuvre d’un auteur voulant témoigner sans être dupe la portée réelle de ce genre d’ouvrage, de l’ambigüité de sa réception, ainsi qu’il le fait dire à un de ces soldats rentré au pays avec l’idée de faire haïr la guerre aux jeunes de sa ville en leur racontant les attaques au gaz, les lances flammes et autres horreurs :

« J’étais content de moi et fier de mes élèves. Je me disais : Je sème dans l’esprit de ces jeunes gens une telle haine de la guerre que le moment venu ils se lèveront sans crainte et sans honte pour proclamer la vérité. Mais à peu près à ce moment-là, quelqu’un a commencé à constituer une compagnie de la garde nationale dans notre ville et mes disciples, soucieux de protéger leur pays contre les horreurs que je leur avais décrites, ont déserté ma société pour s’engager comme un seul homme. »

Dénué de pathos inutile mais porté par les voix fantomatiques de ces cent treize soldats de la Compagnie K, morts, mutilés ou de retour, Compagnie K est à la fois un témoignage poignant sur la Première Guerre mondiale et une œuvre pacifiste d’une portée universelle.

William March, Compagnie K (Company K, 1933), Gallmeister, 2013. Traduit par Stéphanie Levet.  

Publié dans Littérature "blanche"

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