Comment tirer sa révérence, de Malcolm Mackay
Frank MacLeod est de retour après quelques mois de convalescence suite à son opération de la hanche. C’est l’occasion pour Jamieson, qui voit son rival Shug Francis prendre de plus en plus d’assurance, de lui faire reprendre du service. Sa mission paraît simple : éliminer un petit dealer de l’organisation de Shug pour envoyer un avertissement simple mais sans équivoque. Mais le vieillissant Frank n’est plus tout à fait aussi efficace et c’est le jeune Calum MacLean qui va devoir pallier ses défaillances. Dès lors, la question de la retraite de Frank se pose. Mais, dans ce genre de milieu, les droits à pension sont limités et tout le monde n’arrive pas à tirer proprement sa révérence.
Après Il faut tuer Lewis Winter , Malcolm Mackay remet en selle ses personnages de tueurs à gages de la pègre de Glasgow pour nous parler de leurs états d’âmes. Comme on l’avait déjà dit à propos du roman précédent de Mackay, ce qui fait l’intérêt de ces histoires, en effet, est moins le crime en lui-même que le fonctionnement intime des personnages, la manière dont chacun – Frank, Calum, Jamieson, Young – cherche à se préserver, à tirer son épingle du jeu en essayant d’anticiper plusieurs coups à l’avance les décisions qu’il aura à prendre et celles que prendront les autres. En s’insinuant ainsi dans la tête de chacun des protagonistes de cette histoire, Mackay parle moins du crime lui-même que de questions plus larges. Quel prix accorde-t-on au pouvoir ou à la liberté ? L’un et l’autre sont-ils compatibles ? Jusqu’ou peut aller la fidélité à un ami ?
Cette histoire tristement banale pourrait presque, en en changeant quelques motifs, à commencer bien entendu par le meurtre, se dérouler dans les bureaux d’une multinationale ou d’une quelconque administration. Tout est ici question d’anticipation sur ce que les autres peuvent penser et sur ce que chacun peut faire pour défendre son pré carré, sa carrière, le confort de sa situation. Dénuée de tout aspect romanesque, le travail des personnages de ce roman n’a rien à envier à celui de n’importe quel ouvrier ou gratte papier. Et pourtant, par le jeu de l’alternance entre les personnages, par ces passages incessants des pensées de l’un à celles de l’autre qui permettent au lecteur de discerner quelles parties de billard à trois, quatre ou cinq bandes se jouent afin de provoquer ou d’éviter une fin tragique, Malcolm Mackay arrive à capter notre intérêt.
Certes, le style est toujours aussi aride, l’action – au sens de l’accumulation de scènes violentes ou de dialogues enflammées – est quasiment absente, et sans doute qu’une partie du lectorat n’adhèrera pas à ce parti pris de l’auteur. Il n’en demeure pas moins que pour nous, avec ces incursions dans la tête de ces personnages qui tentent de se départir de leurs émotions pour exécuter froidement leurs missions mais n’y arrivent jamais complètement, Malcolm Mackay se révèle être un auteur à la fois original et séduisant dont l’économie de moyen permet en fin de compte de dire bien plus de choses et de tirer plus d'émotions que d’autres dont la débauche et la surenchère dans les effets tape à l’œil et la violence dissimulent mal une immense vacuité.
Malcolm Mackay, Comment tirer sa révérence (How a Gunman Says Goodbye, 2013), Liana Levi, 2013. Traduit par Fanchita Gonzalez Batlle.
Du même auteur sur ce blog : Il faut tuer Lewis Winter ; Ne reste que la violence ; L'enfer est au bout de la nuit ;