Borgne to be wild : La jambe gauche de Joe Strummer, de Caryl Férey
Après Plutôt crever, Mc Cash l’irlandais borgne immigré en Bretagne et reconverti dans la police est de retour. Alors que son œil manquant le fait de plus en plus souffrir (voilà trente ans qu’il n’a pas enlevé sa prothèse ni fait nettoyer la cavité) et que son œil restant est en train de dégénérer lentement mais sûrement, alors qu’il n’en a plus rien foutre… Mc Cash apprend qu’il est père. La mère de l’enfant, une barmaid avec laquelle il a eu une aventure dix ans auparavant, vient de mourir d’un cancer et lui demande de prendre le relai avec cette petite qui pense que son père est mort dans un accident de voiture quelques temps après sa naissance.
Mc Cash démissionne aussi sec de la police et, bien qu’il déteste les mioches, part s’installer dans le village où vit sa fille. Histoire de voir. Et pour voir, il va voir. Il va surtout trouver un cadavre de fillette et se rendre compte que sa fille est un témoin gênant dans une affaire particulièrement glauque. Alors qu’il pensait enfin pouvoir crever tranquille, Mc Cash va devoir mettre toute sa rage au service de cette enfant qu’il va apprendre à connaître.
Quand on évoque Caryl Férey aujourd’hui, on pense surtout à Zulu et, éventuellement, à Haka et Utu. Ces polars des antipodes, profondément noirs et qui se déroulent dans des lieux souvent inconnus de nous et que l’auteur décrit toujours à merveille. Du coup on a un peu tendance à oublier que Caryl Férey n’est pas qu’un écrivain-voyageur et qu’il a à son actif de très bons polars « locaux ».
D’autant qu’avec Mc Cash, ce flic irlandais nihiliste en train de pourrir sur pied, il tient un personnage hard boiled particulièrement attachant et bien campé. Certes l’enquête prend vite un tour qui a un air de déjà-vu avec cette histoire de trafic d’enfants et de notables mêlés à cette affaire sordide. Mais la puissance du héros de Caryl Férey confronté à la vie de sa fille qu’il doit protéger au moment où il aurait bien voulu abandonner la sienne, de vie, permet de passer sur ces clichés.
Et puis il y a le rythme de ce roman, ce tempo rapide, comme la jambe gauche de Joe Strummer battant furieusement la scène, qui nous entraîne et nous fait avaler ces 250 pages sans nous en apercevoir. Voilà un plaisir dont on aurait tort de se priver.
Caryl Férey, La jambe gauche de Joe Strummer, Folio Policier, 2007.
Du même auteur sur ce blog : D'amour et dope fraîche ; Mapuche ; Plus jamais seul ;