Backstage, de Luc Baranger

Publié le par Yan

 backstagebaranger.jpg Après une excursion jazzie avec David Fulmer, un crochet rock’n’roll s’impose. Et qui peut mieux en parler que Luc Baranger ?

Une épidémie de péritonites foudroyantes est en train d’éclaircir les rangs des anciennes gloires du rock. Clovis Reynolds, qui a un temps été un critique musical de premier plan et a tracé la route avec nombre de stars durant les années 1970 avant d’amorcer une longue chute jusqu’à un mobil-home et une feuille de chou locale des bords de Loire, voit dans ces morts rapprochées quelque chose de pas très catholique (ni très rock’n’roll, d’ailleurs). C’est l’occasion pour lui de se lancer dans une folle course autour du monde afin de faire la lumière sur cette sombre affaire et éclairer par la même occasion des zones d’ombre de son propre passé.

C’est sans surprise et toujours avec plaisir que l’on retrouve les thèmes chers à Luc Baranger, à savoir le rock et un regard nostalgique sur une époque révolue qui n’est toutefois pas idéalisée, à l’image de ce que l’on pu voir par ailleurs de le magnifique Visas antérieurs. C’est un fait que Baranger aime ses héros – ceux de ses bouquins comme ceux du rock ou du blues – avec leurs qualités mais aussi, et peut-être surtout, avec leurs défauts, leur lâcheté ordinaire, leurs actes parfois odieux.

À ce titre Clovis Reynolds est emblématique du héros barangien (barangérien ?) : un type qui mène sa barque tout seul, bouffe de la vache enragée mais reste fidèle à ses idéaux et qui, s’il n’a pas oublié le passé, le regarde sans illusions.

Éminemment sympathique, bourré d’un humour qui transparaît à travers la plume d’un Baranger qui n’a souvent rien à envier à Audiard pour ce qui est de la métaphore particulièrement parlante, Reynolds a toutefois sa part d’ombre. Et pas des moindres. C’est dans un grand périple à la recherche de lui-même qu’il nous entraîne, de la région angevine au Texas en passant par le Pays de Galle et les montagnes Rocheuses, aux côtés tour à tour d’un épaviste gitan, d’un vieil indien ou d’une volumineuse chasseuse de primes lesbienne.

Le tour de force de Luc Baranger, c’est de nous faire aimer autant que lui des héros et une Amérique dont les défauts et les actes pourraient nous interdire de leur accorder la moindre sympathie. Parce qu’ils sont humains, comme nous, parce que derrière la laideur il peut y avoir la beauté. Parce que le blues, parce que le rock, c’est aussi ça ; la catharsis, la violence des sentiments et de leur expression. La vie, quoi.

On signalera au passage, pour ceux qui seraient passés à côté, que Michel Embareck revient lui aussi, d’une autre manière, mais tout aussi percutante, sur un sujet similaire, dans son Rock en vrac.

Luc Baranger, Backstage, Baleine, Instantanés de polar, 2001.

Du même auteur sur ce blog : Au pas des raquettes ; Maria Chape de haine ; Dernières nouvelles du blues

Publié dans Noir français

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