Attention au parquet !, de Will Wiles
Écrivain britannique dont nous ne connaitrons pas le nom, le narrateur d’Attention au parquet ! passe des vacances particulières dans une ville d’Europe de l’Est dont nous ne connaîtrons pas non plus le nom. En effet, s’il est là c’est que son camarade d’université et ami Oskar, compositeur de renom, lui a demandé de venir veiller quelques semaines sur son appartement pendant qu’il règle à Los Angeles les dernières formalités de son divorce. Mais un trait de caractère particulier distingue Oskar du commun des mortels : un besoin maniaque d’ordre, une haine tenace à l’égard de ce qui n’est pas aseptisé, un besoin impérieux de tout contrôler. Et Oskar a fait poser dans son appartement immaculé un parquet en chêne, magnifique mais fragile. En s’installant dans l’appartement de son ami, le narrateur se trouve donc face à un véritable défi : veiller sur l’intégrité de la perfection des lieux. Avec l’aide d’Oskar qui a laissé partout, y compris dans des endroits a priori inaccessibles, des notes sur le comportement à adopter en toute circonstance pour préserver son appartement.
Nous n’avons pas affaire ici à un polar, un roman noir ou un thriller bien que, en même temps que le narrateur, on puisse éprouver une certaine inquiétude face au comportement étrange d’Oskar et à la façon dont se déroule le séjour dans cette ville étrangère et dans cet appartement. Appartement dans lequel la crainte constante de l’incident qui viendrait mettre à mal l’ordre parfait mis en place par le propriétaire fait peser une tension certaine.
Et cette situation qui ne peut qu’empirer tend vite à basculer dans l’absurde en même temps que l’on comprend que le narrateur est bien la dernière personne à pouvoir garantir l’intégrité de l’appartement de son ami.
Le talent de Will Wiles tient essentiellement là dedans : cette formidable capacité à utiliser une situation plutôt banale pour en tirer à la fois loufoquerie et sensation de malaise. Une loufoquerie et un malaise qui ne font que croître tout au long de son roman, garantissant au lecteur quelques francs éclats de rire en même temps qu’une réelle tension créée par une inévitable empathie à l’égard d’un narrateur auquel il est aisé de s’identifier à un moment ou un autre.
Pour autant, Attention au parquet ! ne fait pas toujours mouche. La faute à une mise en place un peu longue et à une conclusion sans doute trop tirée par les cheveux et un peu décevante. Plus resserrée, un peu moins portée sur un surenchère qui finit par se dégonfler un peu vite, l’histoire que nous conte Will Wiles se serait certainement révélée plus efficace.
Au final, Attention au parquet ! – ne boudons pas notre plaisir – recèle de bien belles trouvailles et garantie quelques excellents moment de lecture, certains proprement hilarants. Dommage toutefois que Wiles ait eu un peu de mal à tenir la longueur et que ces moments de grâce alternent avec d’autres plus banals ou trop forcés.
Will Wiles, Attention au parquet ! (Care of Wooden Floors, 2012), Liana Levi, 2014. Traduit par Françoise Pertat.