Alibi n° 4 : pas en béton, mais plutôt bien bâti
Voilà donc le nouveau numéro d’Alibi. J’avais découvert la revue avec son numéro précédent et, si j’avais dans l’ensemble apprécié le concept, j’avais aussi pu émettre quelques réserves : des articles parfois trop courts, pas assez creusés, des rubriques à mon sens inutiles.
Qu’en est-il alors de ce numéro 4 ? D’abord, on reste séduit par la maquette et l’iconographie, en particulier les photos de ce Las Vegas de seconde zone à l’abandon, ou bien celles de Christchurch qui illustrent l’article sur Paul Cleave. Bien sûr, aussi, l’ultime photo sur laquelle Carlos Salem brode un joli petit texte. Ensuite, Alibi sait coller à l’actualité avec un dossier alléchant consacré aux secrets d’État. On y fait quelques rencontres intéressantes, notamment avec Bob Woodward ou Patrick Pesnot qui entretient avec malice le mystère de l’identité de son monsieur X. On regrettera pourtant le côté patchwork de ce dossier dans lequel on peine parfois à trouver une ligne directrice, entre Laurent Joffrin qui énonce quelques banalités (peut-être DOA et Manotti auraient eu à dire là-dessus des choses plus intéressantes) et un article bien trop court consacré à l’ancien chef des services secrets cubains qui nous laissent sur notre faim.
Le plaisir est encore là, néanmoins, à la lecture de l’interview de Lawrence Block et, surtout, du texte glaçant de Patrick Bard consacré aux enlèvements et meurtres d’enfants au Mali. Il faut aussi saluer la diversité des livres chroniqués dans la partie « Autopsie » (dans laquelle j’ai vraiment eu plaisir à retrouver La France tranquille, Natural Enemies ou encore Bienvenue à Oakland, autant de livres pas forcément promis à un grand succès commercial mais qui méritent que l’on en parle dans une revue grand public) et la place qui y est laissée à la BD et aux ouvrages à destination des adolescents.
Ce qui fait aussi le charme d’Alibi, ce sont ces chroniques consacrés à certains personnages et objets du polar en passant par le réel : rencontre avec une détective, entretien avec un avocat général, découverte du silencieux… Mais on se pose tout de même encore la question de l’utilité de la rubrique « pièces à conviction » qui promeut le champagne, le sac à compartiments à 1890 € ou le blazer « comme Ryan O’Neal dans Love Story » à 720 € .
Bref, une fois encore, on peut trouver matière à râler. Mais il faut bien convenir du fait que la revue essaie de toucher un public plus large que les seuls amateurs purs et durs de polars – sans quoi elle aurait tôt fait de mettre la clé sous la porte – et l’on peut finalement s’incliner devant sa capacité certaine à accrocher le curieux comme le « spécialiste ». C’est là un grand écart qu’il n’est pas forcément aisé d’accomplir mais qu’Alibi s’emploie à rendre possible. Il s’agit d’un effort que l’on ne peut qu’encourager.
Alibi est disponible en librairie et l’on peut poursuivre l’aventure sur le site qui propose un contenu enrichi.