41, de Rogelio Guedea
Le corps de Ramiro Hernández Montes, frère d’un candidat au poste de gouverneur de l’État de Colima soutenu entre autre par les chefs de la police, est retrouvé dans le coffre d’une voiture, tué d’une balle de calibre .41 tirée dans l’oreille. Un modus operandi qui correspond à plusieurs meurtres commis dans la région et dont les victimes sont toutes des homosexuels. Les quatre policiers chargés de cette enquête sensible ne se font pas d’illusions : il convient d’étouffer l’affaire. Parallèlement à cette enquête, on suit les tribulations du Japonais, gamin livré à lui-même et initié par un adulte, le Métallo, au sexe et à la drogue en participant à des parties fines organisées dans la haute société de Colima.
En s’attaquant à ce genre de sujet glauque, Rogelio Guedea n’a choisi ni l’originalité ni la facilité. C’est que le thème de la corruption et des dérives sexuelles est rebattu et qu’il convient dès lors de vraiment l’aborder avec finesse pour offrir au lecteur une œuvre qui se démarque.
Plus que le fond, c’est la forme qui vient ici contribuer à la singularité du roman de Guedea. Celui-ci choisit d’alterner récits (qu’il fait aussi varier, passant des enquêteurs chargés de l’affaire Montes au Japonais) et procès-verbaux d’auditions livrés bruts. Cela confère au roman un rythme saccadé, parfois pesant (près de la moitié du roman est constituée par ces procès-verbaux) et dans lequel le lecteur doit accepter de se laisser entraîner sans savoir là où l’auteur cherche à l’amener. Car il est clair que la fausse anarchie du texte, qui mêle des situations que l’on peine à relier, est destinée à aboutir à un final que l’on espère surprenant et qui, dans une certaine mesure, l’est.
Rogelio Guedea maîtrise donc bien la construction de son roman et, par ailleurs, lorsqu’il s’extrait de ses rapports de police, se révèle avoir une plume agréable et un regard impitoyable sur une société corrompue s’engraissant sur le dos d’une population en grande partie abandonnée à la misère. « Derrière lui, les murs des habitations en ruines, où vivent des gens sans peau, semblent s’écailler. Ces pièces où grandissent des enfants aux pieds crevassés et aux ventres gonflés qui regardent toujours à travers les barreaux d’une cellule parce que tout ce qui vaut la peine dans ce monde ne leur appartient pas ».
Malheureusement, au total, et malgré les qualités que l’on a signalées, cette forme assez pesante ne sert pas forcément un fond assez peu original et la lecture s’avère souvent lassante. Et si, avant de se faire une idée définitive sur Guedea on attendra d’en lire un autre roman, on ne peut que conseiller pour le moment, sur une thématique proche, un livre autrement plus réussi : Les minutes noires, de Martín Solares.
Rogelio Guedea, 41 (41, 2010), Ombres Noires, 2012. Traduit par Florence Olivier.