2011-2012 : Bilan d'étape
Voici donc venu le moment de se plier au traditionnel bilan de l'année écoulée. Et d'essayer, (avec plus ou moins de recul puisqu'on a fini de lire notre dernier livre de l'année il y a deux jours) d'en extraire quelques romans marquants. Des nouveautés de 2011, certes, mais aussi des livres plus anciens découverts, avec parfois beaucoup de retard, seulement cette année.
Tout cela sera bien entendu très subjectif puisque je n'ai pas lu un centième de la production annuelle de polars et que je suis donc pour l'instant passé à côté de romans que de nombreux blogueurs ou critiques ont beaucoup aimé (Le mur, le Kabyle et le marin, d'Antonin Varenne ou Adieu Gloria de Megan Abbott, par exemple). Comme il ne s'agit pas non plus de faire un inventaire à la Prévert, je me contenterai d'évoquer ceux qui m'ont paru sortir vraiment du lot, par leur écriture, leur originalité, leur fantaisie, leur capacité à embarquer le lecteur.
Et comme je suis aussi subjectif et que je peux faire preuve d'une mauvaise foi confondante, je commencerai par dire que celui qui a vraiment marqué mon année 2011 est Tim Dorsey. Parce que je suis un fan (entendez par là fanatique) et que j'attendais depuis trois ans que les éditions Rivages traduisent à nouveau un de ses romans. Cadillac Beach ne m'a pas déçu : ça part dans tous les sens, l'humour y est totalement débridé et l'on y voit mourir avec une intense satisfaction tout un tas de cons et de VRP. C'est beau.
À part ça, le livre vraiment marquant de cette année fut pour moi, sans conteste, Bienvenue à Oakland, d'Eric Miles Williamson. Une écriture rude qui attaque le lecteur de front, l'attrape,lui met le nez dans la fange et l'y maintient tout au long d'un long monologue. Un roman noir scabreux et triste mais aussi attachant et parfois hilarant et lumineux.
Chez les Américains, toujours, on n'oubliera pas le retour de Kem Nunn, sept ans après Le Sabot du Diable, qui, avec Tijuana Straits, nous entraîne de nouveau aux côtés d'un surfer californien, à la frontière mexicaine cette fois, avec toujours une écriture noire qui fait malgré tout la part belle à de magnifiques descriptions de la nature, fut-elle détruite en partie, et de l'Homme.
Chez les Français, Jérôme Leroy sort du lot avec Le Bloc, dystopie remarquablement menée dans la peau d'un cadre d'un parti d'extrême-droite en passe d'accéder au pouvoir. Un roman qui met mal à l'aise et s'avère tout simplement fascinant.
Un autre qui sort du lot, par la force de son écriture, c'est Thierry Marignac, avec Milieu hostile. Poisseux et pesant, ce roman est une véritable expérience de lecture. Épuisant, difficile à suivre parfois, prenant plus qu'à son tour le lecteur à rebrousse-poil en estimant qu'il peut se montrer intelligent et faire un effort pour suivre, il est d'une ambition pour le moins remarquable.
Ailleurs, il y aura eu le roman d'Heinrich Steinfest, Requins d'eau douce, drôle d'objet, roman philosophico-policier à la fantaisie réjouissante, la fable iconoclaste de Federico Vite Apportez-moi Octavio Paz et un nouveau roman de la désillusion dans l'Irlande nouvelle avec L'impasse, de Gene Kerrigan.
On aura aussi vu en 2011 émerger quelques auteurs, qu'ils en soit ou pas à leur premier livre. Stuart Neville avec Les fantômes de Belfast mêle habilement le roman noir avec une once de fantastique et allonge encore la liste des écrivains irlandais remarquables. Olivier Bordaçarre nous quant à lui offert La France tranquille, beau roman qui joue avec les codes du polar engagé à la française et s'avère plutôt réussi.
Et puis, donc, il y a les découvertes de romans depuis longtemps publiés et qui, souvent, patientaient sur une étagère : L'usine à lapins de Larry Brown, formidable roman choral dans l'Amérique redneck, la découverte très récente pour moi de Pascal Garnier avec Lune captive dans un oeil mort, un roman mexicain moite et d'une beauté vénéneuse avec Les minutes noires de Martín Solares, et deux OVNI dans des styles complètement différents : Envoie-moi au ciel Scotty, de Michael Guinzburg, et L'homme qui marchait sur la Lune de Howard McCord.
Un peu à part dans ses redécouvertes, on n'oubliera pas la réédition par Baleine de Natural Enemies, de Julius Horwitz. Un roman bien plus que noir.
2011 fut aussi une année western avec deux belles rééditions et l'exhumation d'un inédit qui vaut le détour : Lonesome Dove, Warlock et Incident a Twenty-Mile .
Et voilà donc le moment des bonnes résolutions. Continuer et terminer la rétrospective consacrée à Parker avant de commencer celle des romans mettant en scène Dortmunder. Achever le Défi de l'Imaginaire. Relire les quatre romans de Charles Willeford consacrés à Hoke Moseley. Lire et encore lire. Avec plus de 20 000 visiteurs en un peu plus de six mois, le blog semble plutôt bien fonctionner, il m'aura permis de rencontrer pas mal de personnes, d'échanger, de découvrir de nouveaux auteurs, de poursuivre de longues conversations. Ce fut un plaisir. Souhaitons que cela continue.
Bonne année 2012 donc!