La sagesse de l’idiot, de Marto Pariente

Publié le par Yan

Au fin fond de la Castille, Ascuas est un tout petit village avec un bar, une casse automobile et un policier municipal. Le policier, c’est Toni Trinidad, pas très malin, plutôt fainéant et hématophobe. La casse, c’est celle dont a hérité sa sœur, Vega, après la disparition de son mari. Quand le vieux Triste, son ami, est retrouvé pendu, c’est peut-être l’occasion pour Toni de montrer que son poste sert à quelque chose au moment où le conseil municipal envisage de le supprimer. D’autant plus que débarquent trafiquants de drogues, hommes d’affaires véreux et tueurs à gages.

Premier roman de Marto Pariente, La sagesse de l’idiot commence au rythme indolent qu’adopte Toni Trinidad dans son travail. Mais, on l’aura compris à la lecture du résumé, tout va peu à peu s’accélérer. On est à Ascuas mais on pourrait peut-être aussi se trouver, d’une certaine manière, à Pottsville, Texas, avec le Nick Corey de Jim Thompson et c’est un bel hommage à l’auteur américain que nous offre ici Marto Pariente. Bel hommage car, si on ne peut éviter de voir les concordances entre ses personnages et ceux de Thompson, il n’en demeure pas moins que La sagesse de l’idiot reste bel et bien ancré dans cette Espagne rurale contemporaine. Et si les personnages relèvent des archétypes propres au roman noir, ils apparaissent aussi bel et bien ancrés dans cette Espagne.

Aussi c’est avec une certaine jubilation que l’on suit les péripéties dans lesquelles est entrainé Toni Trinidad un peu malgré lui mais aussi beaucoup parce qu’il le désire lorsqu’il tente de tirer son épingle du jeu dans la tourmente qui s’abat sur Ascuas. Toni est-il si sage ? On peut en douter. Est-il idiot ? On peut être tenté de le croire et, de fait, Marto Pariente entretient avec finesse le doute sur cette question. De la vient en partie le plaisir de cette lecture : le comportement parfois erratique de Toni relève-t-il de la provocation ou de la bêtise ? Et ses plans sont-ils si bêtes ou si malins que ça ? Entouré d’une galerie de personnages bien plus méchants que lui et peut-être pas beaucoup plus intelligents, il mène néanmoins sa barque.

Drôle, noir, La sagesse de l’idiot trouve parfaitement sa place dans la Série noire, entre hommage au genre et modernité. Un plaisir.

Marto Pariente, La sagesse de l’idiot (La cordura del idiota, 2019), Gallimard, Série noire, 2024. Traduit par Sébastien Rutés. 325 p.

Publié dans Noir espagnol

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