Histoire universelle des hommes-chats, de Josu Arteaga

Publié le par Yan

« À Olariz, nous comprenons la mort et la vie à notre façon. Tout naît, tout meurt. Ni plus ni moins. Et ce, depuis la première aube. Pour les humains ou les animaux. Sans distinction. La vie est la neige première. La mort est la neige piétinée. Les deux sont semblables. Blanche et pure quand elle se pose. Boue qui disparaît dans la boue lorsque l’hiver meurt à l’apparition du soleil. Début et fin de la douleur. Ainsi l’acceptons-nous depuis toujours. Sans faire d’histoires. Sans se mettre martel en tête. Ça, c’est le boulot des curés et des universitaires. Qui ont du temps à perdre en spéculations. »

Le fait est qu’à Olariz, on vit un peu, on meurt beaucoup et on évite de trop spéculer. Dans ce village isolé des montagnes de Navarre, les chats sont plus nombreux que les habitants et les électeurs se comptent sur les doigts des deux mains. L’étranger qui a été élu maire un jour, a gagné en récoltant deux voix contre sept bulletins blancs. C’est dire si tout le monde se connaît. Et bien entendu tout le monde s’épie et personne ne semble vraiment s’aimer. Alors les habitants d’Olariz sont peut-être bien peu nombreux, mais ils ont mille histoires à raconter. Fernando, le narrateur, a décidé qu’il était temps d’en raconter quelques-unes :

« J’ai parcouru la moitié du chemin qu’est ma vie. Avec le vin comme remontoir de ma vieille montre. Je veux me laver des anciennes haines. Pour alléger le fardeau que la vie te colle sur les épaules. Je dois parler. »

Ainsi se dévide l’histoire d’Olariz et celles de ses habitants. On passe du burlesque au tragique le temps d’une page, des fardeaux du passé eu poids du présent et du rire franc au rire jaune. On croise un homme qui a eu sept vies, des femmes violentées qui se rebiffent parfois, un curé lubrique, violent et voleur, une brebis infidèle, un berger assassin, un écolo bien décidé à changer un monde qui n’entend pourtant pas devenir autre chose que ce qu’il a toujours été.

N’était cette image obsédante de cadavres aux mains coupées qui hante une partie des histoires racontées ici, on pourrait être dans un recueil de nouvelles. Autant de textes qui, au fil de la lecture, forment un grand tableau cohérent. Des contes cruels dans lesquels la vérité nue assénée par Fernando dresse un portrait vivant d’un village rétrograde, rétif aux incursions étrangères et qui a pourtant toujours su, aux pires moments de l’histoire contemporaine de l’Espagne, se placer du bon côté du manche… au moins jusqu’à ce que la vérité finisse par éclater au grand jour.

Acide sans pour autant être dénué d’une véritable affection pour une partie de ses personnages abandonnés dans ces confins du monde, le roman de Josu Arteaga sait prendre le lecteur à contrepied, le surprendre et parfois lui imposer un certain inconfort lorsque les histoires d’Olariz deviennent si dures que seul le rire permet de passer outre leur cruauté. C’est une véritable réussite.

Josu Arteaga, Histoire universelle des hommes-chats (Historia universal de los hombres gato, 2010), Nouveau Monde éditions, 2022. Traduit et postfacé par Pierre-Jean Bourgeat. 190 p.

Publié dans Noir espagnol

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