Ordinaire, d’Audrey Najar

Publié le par Yan

Après une carrière dans la vente de pneus, Hervé a pris sa retraite. Il pourrait facilement parler des heures durant de vulcanisation et de rechapage mais personne ne le lui demande. Alors dans sa copropriété d’Alfortville, en attendant qu’Élisabeth, sa femme, rentre du travail, il promène Billy, son bichon, gratte des jeux, boit et observe les voisins. Quand l’appartement du dessus est vendu à un jeune couple avec deux enfants, Hervé se fait plus attentif encore et, face à ces gens qui ont tout ce qu’il n’a jamais eu, il sent monter une forme de jalousie qui, peu à peu, se transforme en haine.

Le premier roman d’Audrey Najar est de ces histoires qui sont pleines de leur personnage plus que d’une intrigue. Il n’y a pas plus ordinaire qu’Hervé. À première vue en tout cas. Homme effacé, être presque sans consistance, aimable, sans plus, avec tout le monde, immensément seul en fait. Et empli de doutes, d’humiliations réelles ou ressenties. Plein de manque. Un manque niché au creux de son estomac. Celui de l’enfant mort. Cette perte qui a tout brisé et qui a fait que l’homme n’a jamais pu s’accomplir. Tout cela, Audrey Najar le dit avec les mots d’Hervé et ceux, en contrepoint, d’Élisabeth. On sait, on a lu la quatrième de couverture, que tout cela va mal finir. On imagine déjà les voisins dire qu’ils n’auraient jamais cru… Audrey Najar nous apporte cet autre point de vue. Explique l’amour immense qui ne peut être donné, la recherche désespérée d’affection et de reconnaissance, la peur de l’abandon. Elle le fait sans pathos, avec aussi une pointe d’humour qui vient apporter un nécessaire soupçon de légèreté.

Et on se laisse ainsi entraîner dans la tête et le cœur d’Hervé pour mieux le voir s’enfermer dans ce qu’il serait peut-être trop facile de qualifier de folie. Ce voisin ordinaire, c’est celui qui lutte contre son propre effacement et qui ne trouve pas la solution, qui s’emprisonne lui-même et qui aussi, est sans doute trop obsédé par sa douleur qu’il ne voit plus celle des autres. Ordinaire est un excellent roman noir doté d’une tension constante et un beau livre empli d’une infinie tristesse.

Audrey Najar, Ordinaire, Le Masque, 2022. 226 p.

Publié dans Noir français

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S
Roman porté au firmament par les critiques, à sa lecture, je l'ai trouvé banal et long. Il reste certes le final de haute volée, mais c'est avec bien des lenteurs que l'auteur nous y conduit. Absolument pas suffisant pour en faire un chef d'oeuvre et une grande déception.
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