Les cow-boys sont fatigués, de Julien Gravelle
Quelque part au fin fond du Québec, Rozie vit seul avec ses chiens. Il a une cabane et, sous cette cabane, un laboratoire clandestin dans lequel il fabrique des amphétamines pour le compte d’un réseau plus vaste. Il fait aussi pousser là-dessous des plants de cannabis parce que ça lui fait bien. Pas vraiment une vie de rêve mais, au moins, il a pu se faire oublier ici et reconstruire un semblant de vie après un passé agité. Mais une femme indienne, un peu plus loin, a eu l’idée de dessouder le patron de Rozie. Non seulement cela entraîne une désagréable restructuration de l’entreprise mais, en plus, cela risque de faire dangereusement remonter à la surface l’ancienne vie de Rozie.
On peut légitimement penser en abordant Les cow-boys sont fatigués après en avoir lu la quatrième de couverture que l’on ne va pas trouver grand-chose d’original. Que l’on a lu mille fois déjà l’histoire du criminel au passé trouble qui n’arrive pas à se ranger voiture. Pourtant Julien Gravelle arrive à nous agripper dès les premières lignes : un homme, la nuit, le froid, des loups qui rodent et une langue qui, au moins de ce côté-ci de l’Atlantique, apparait particulièrement originale. Aussi c’est avec une certaine curiosité et un indéniable plaisir que l’on se laisser tirer par l’épaule pour suivre le récit à la première personne que nous fait Rozie de ces jours où la mécanique si bien huilée, jusqu’à l’ennui, de sa vie commence à se gripper.
Il y a la langue, donc, l’environnement hostile, mais aussi les personnages : une belle galerie d’hommes et de femmes blessés, isolés, et de salopards pas aussi bêtes qu’ils en ont l’air mais bien moins intelligents que ce qu’ils croient. Une communauté qui nous aide comprendre pourquoi Rozie préfère tant la compagnie de ses chiens à celle de ses congénères.
Ainsi, derrière l’intrigue qui peut paraître convenue mais qui se révèle bien menée avec ce qu’il faut de rebondissements et de pistes brouillées, se dessine un roman noir d’autant plus efficace et séduisant qu’il sait nous prendre à contrepied, nous étonner constamment et nous faire aimer son narrateur cabossé et obstiné. Humour, sens de la formule, violence et jeux de dupes, voilà de quoi passer un bien bon moment de lecture.
Julien Gravelle, Les cow-boys sont fatigués, Seuil, Cadre noir, 2022. 200 p.