Little Rock, de John Brandon

Publié le par Yan

Chacun à leur manière, Swin, portoricain qui a grandi en Floride puis dans le Kentucky, et Kyle, orphelin parti pour la Géorgie, ont glissé dans la marginalité. Le premier parce qu’il se sent trop intelligent pour avoir une vie rangée, le second parce qu’il n’a pas vraiment eu le choix mais aussi parce qu’il prend un véritable plaisir dans le vol et dans la violence. Les deux jeunes hommes finissent par se rencontrer lorsqu’ils intègrent un réseau de trafic de drogue dirigé par le mystérieux Frog. Séparés de ce chef de légende par de multiples échelons et intermédiaires, ils travaillent sous les ordres de Bright, garde corrompu d’un parc naturel de l’Arkansas. C’est là, dans le parc de Felsenthal, aux confins de l’État et près des frontières du Texas, de la Louisiane et du Mississipi, qu’ils travaillent officiellement à l’entretien du par cet assure l’acheminement de drogue entre les états voisins et Little Rock. Jusqu’au jour où une mission tourne mal. Bright est tué, Swin et Kyle se retrouvent avec le paiement de la dernière livraison et incapables de quitter la routine du parc. Continuant à exécuter des missions pour Frog, ils attendent de voir comment les choses vont tourner. Mal, bien entendu.

Premier roman de John Brandon, Little Rock se révèle tout aussi dérangeant que Citrus County, paru précédemment en France. En effet, on y retrouve cette capacité de Brandon à manier une douce ironie et à écrire des dialogues bourrés d’humour qui s’avèrent vite dissimuler un monde qui n’a rien d’amusant. Swin, Kyle, Johnna avec laquelle Swin entretient une relation, forment vite un ersatz de famille et, l’espace de quelques mois, peuvent croire à la possibilité d’une vie simple, et même, pourquoi pas, d’un semblant de bonheur. Mais c’est oublier un peu vite qui ils sont, pour qui ils travaillent et, surtout, que la disparition de Bright ne peut qu’éveiller les soupçons des autorités, même dans ce coin paumé.

Ainsi, en même temps qu’ils tentent de se forger une vie nouvelle, ils doivent en permanence éliminer les obstacles qui se dressent devant eux. Et lorsque les obstacles sont des gens, cela pose quelques problèmes moraux à Swin et Johnna… beaucoup moins à Kyle. L’ultime problème sera, bien entendu Frog lui-même dont les chapitres qui lui sont consacrés nous montrent la manière dont il s’est taillé un petit empire de la drogue sans s’encombrer d’états d’âme.

De tout cela émerge un roman étrange dans lequel le malaise, au fil de la lecture, ne fait que grandir sans que l’on cesse toutefois de sourire face à la naïveté relative de Swin et Kyle, à la forme d’innocence tordue avec laquelle ils voient le monde. Sous la comédie parfois débridée, le drame attend son heure, inéluctable.

John Brandon, Little Rock (Arkansas, 2008), Le Masque, 2013. Rééd. Le Livre de Poche, 2015. Traduit par Dominique Chevallier. 377 p.

Du même auteur sur ce blog : Citrus County ;

Publié dans Noir américain

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