L’icône, de Thierry Marignac
Dans les années 2010, à Brighton Beach, quartier russe de Brooklyn, le Conseiller regarde la mer depuis le HLM qu’il partage avec « cette femme ». Plus de trente ans auparavant, ce Français se liait au Grand Homme, figure de l’opposition antisoviétique en exil, dont il devenait – donc – le conseiller. Par la même occasion il croisait le chemin de L’Icône d’alcôve, fille du Grand Homme, troublante jeune fille au sortir de l’adolescence. Ainsi commençait une longue et complexe histoire d’amour, celle qui est au cœur du roman de Thierry Marignac et qui mènera le lecteur de Paris à New York en passant par Londres, Dublin ou Kiev.
Construit, à travers ses aller-retours entre le Brooklyn des années 2010 et le passé, comme un puzzle dont les pièces s’imbriquent peu à peu, L’Icône, fonctionne à coup de scènes emblématiques, marquantes, faussement anecdotiques parfois, pour construire deux histoires parallèles et, bien entendu, indissociables. D’une part, donc, cette histoire d’amour entre le Conseiller et l’Icône d’alcôve, d’autre part celle de l’effondrement progressif de l’URSS et de ses conséquences. Comme il se doit l’histoire d’amour se cale peu à peu sur les convulsions du régime des soviets et, plus encore, sur celles qui suivent sa chute et voient la pègre se nourrir des ruines du communisme. Là encore, l’Icône d’alcôve jouera son rôle, rude.
Par petites touches, Thierry Marignac dépeint ainsi un monde qui disparaît en même temps que bien des illusions, y compris chez ce Conseiller qui attendait la fin du communisme et ne peut que constater que ce qui a pris sa place n’est pas moins repoussant, accaparé par des charognards dont certains, et notamment au sein de la diaspora qu’il fréquente, se taillent à leur tour des fiefs.
Récit du délitement d’un monde, d’idéaux et d’un amour qui ne furent peut-être que des illusions, L’Icône est un roman gris que porte une écriture qui semble charrier beaucoup de mélancolie, y compris dans son ironie ; une écriture qui peut parfois aussi apparaître un peu forcée à trop vouloir jouer de la métaphore ou de la comparaison mais emporte souvent le lecteur, en particulier lorsqu’il s’agit de dépeindre des scènes particulièrement décalées – la chute impressionnante d’un portrait géant en céramique de Gagarine, un hommage au Beatles dans la communauté russe new-yorkaise.
Thierry Marignanc, L’Icône, Equinox, 2019. 258 p.
Du même auteur sur ce blog : Milieu Hostile ;