Qui a tué l’homme-homard ?, de J. M. Erre
Depuis quelques années, J. M. Erre s’est fait le spécialiste du pastiche. Après -entre autres – le scénario de série Z et l’enquête holmésienne, le voilà qui s’attaque au polar.
L’homme-homard du titre, c’est Joseph Zimm, venu s’installer par hasard à Margoujols, Lozère, sept décennies auparavant, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Affligé d’une malformation qui lui a valu son surnom, Zimm faisait partie d’une troupe de freaks menée par un patron tyrannique échouée dans ce village dans l’agitation de l’année 1945. Plus que ses mains en forme de pinces, ce qui faisait la particularité du vieil homme était sa détestation du genre humain, que ce dernier, dans son ensemble, lui rendait bien. Au point d’ailleurs qu’on le retrouve minutieusement débité en petits morceaux. C’est bien entendu tout le village qui est intrigué – plus que bouleversé – par ce meurtre et en particulier Julie, la fille tétraplégique du maire. Depuis son fauteuil roulant high-tech, cette passionnée de polars entend bien seconder de manière efficace les gendarmes pas très doués qui sont sur l’affaire, et les aider à interroger les habitants de Margoujols, de l’hôtelière nymphomane à l’homme-caoutchouc, en passant par la femme à barbe et les sœurs siamoises.
Comme à son habitude, J. M. Erre traite avec humour et une agréable pointe de mauvais esprit les clichés rattachés au genre. Il aime à mettre en scène des personnages hors-normes, particulièrement benêts ou, à l’inverse, d’une intelligence aussi aigue que leur cynisme, et les plonger dans des situations totalement improbables. Plus encore, ici il joue habilement de la mise en abyme en ne traitant pas seulement les motifs habituels du polar, mais en pointant aussi le petit monde qui entoure le polar. Ainsi en va-t-il de Julie qui entend écrire le sien et envisage déjà la manière dont il pourra être reçu :
« Maintenant que j’ai plombé l’ambiance, revenons à nos problématiques littéraires. Si mon récit avance bien, je me pose des questions sur sa réception par mes futurs lecteurs. Vont-ils apprécier l’histoire ? Seront-ils séduits par l’atmosphère ? Difficile d’y voir clair quand on sait que le roman policier compte pléthore d’amateurs exigeants répartis en chapelles aux attentes contradictoires et prêts à en découdre à la moindre alerte. Bref, des chieurs. (Penser à couper cette phrase dans le manuscrit final. Il paraît qu’ils n’ont pas d’humour non plus). »
Roman enlevé, ponctué de sentences aussi définitives qu’hilarantes et de scènes loufoques, Qui a tué l’homme-homard ?, malgré peut-être une ou deux longueurs, est, comme Le mystère Sherlock, un livre qui sait jouer intelligemment des poncifs du genre pour offrir au lecteur un bien agréable moment.
J. M. Erre, Qui a tué l’homme-homard ?, Buchet-Chatsel, 2019. 359 p.
Du même auteur sur ce blog : Le mystère Sherlock ; Série Z ;