Central Park, de Stephen Peters
Lu une première fois il y a à peu près 25 ans, Central Park a un peu le goût d’une madeleine de Proust – arrosée au défoliant, en l’occurrence. Paru initialement en France en 1982 chez Albin Michel, réédité en poche quelques années plus tard avec toujours des couvertures plus belles les unes que les autres, ce roman étonnant sur la guerre du Vietnam méritait bien – au moins au titre de curiosité - cette nouvelle édition dont on peut remercier le Livre de Poche d’en avoir pris l’initiative.
Central Park, c’est donc l’histoire de Harris, vétéran du Vietnam qui, depuis son retour – on est au tout début des années 1980, le roman ayant paru aux États-Unis en 1981 – s’ennuie fermement dans la vie civile. Il faut dire que le garçon a rempilé deux fois et fait partie d’une unité de rangers chargée de patrouiller derrière les lignes ennemies pour y mener des actions de guérilla et qu’en comparaison sa nouvelle vie rangée d’employé ne lui a apporté que peu de satisfaction. C’est pour ça qu’il décide après avoir minutieusement collecté un stock d’armes durant des mois, d’occuper Central Park pour y faire sa petite guerre. Le tout résumé par le titre original du roman The Park Is Mine, Central Park m’appartient, qui est aussi, ainsi que nous l’apprend la quatrième de couverture de l’édition du Livre de Poche, le titre d’une adaptation cinématographique avec Tommy Lee Jones que l’on serait curieux de voir. Harris, donc, piège le parc avec des mines antipersonnel, des pièges en bambou et autres joyeusetés, fait sauter le poste de police qui se trouve dans le périmètre de Central Park, et met au défi la police de l’en déloger pour permettre aux New Yorkais de revenir y faire leur jogging, promener leurs chiens ou venir s’y injecter leurs doses à la nuit tombée. Voilà indéniablement de quoi inquiéter perturber les services municipaux, surtout à partir du moment où ils s’aperçoivent que Harris hache menu les forces spéciales de police qu’ils y envoient.
On l’a compris, Central Park relève d’abord du roman d’action et du thriller, d’ailleurs plutôt bien mené. Mais pas seulement. Presque dix ans après le précurseurs David Morrell et son Premier sang, Stephen Peters vient gratter – à la bêche, c’est vrai – la mauvaise conscience américaine post-Vietnam et sa volonté d’oublier cet échec et, partant, ces vétérans qui ne font que le lui rappeler constamment. Et la manière dont – attention petit spoiler – les autorités doivent finalement se résoudre à employer des anciens Viêt-Cong pour déloger Harris vient encore retourner le couteau dans la plaie. Autre versant de ce roman : une critique de l’évolution des médias à travers le personnage de Weaver qui, avec sa petite équipe parcours la ville à la recherche de faits divers spectaculaires et de préférence sanglants à filmer pour revendre ses vidéos aux chaînes de télévision. Là encore Peters n’innove pas vraiment et le personnage de Weaver – comme les autres d’ailleurs, mais peut-être encore plus – est pour le moins caricatural, mais il permet à l’auteur de poser une réflexion intéressante qui a aussi à voir avec la manière dont la presse à pu couvrir la guerre du Vietnam. De fait, une fois passés les premiers émois, la population – hormis donc quand il s’agit d’aller faire pisser son chien – se désintéresse assez vite de ce qui se passe dans Central Park.
On le voit, Stephen Peters ne fait pas dans la dentelle, pousse ses personnages aux limites de la caricature – en les dépassant d’ailleurs quelques fois – et use de métaphores pas forcément très fines. Pour autant, son roman est efficace et pas forcément bête. C’est, même presque quarante plus tard, un livre qui se lit avec un réel plaisir.
Stephen Peters, Central Park (The Park Is Mine, 1981), Le Livre de Poche, 2018. Traduit par Serge Grünberg. 500 p.