En lettres de feu (Les Brillants, III), de Marcus Sakey

Publié le par Yan

Le risque en abordant le troisième volume d’une trilogie comme Les Brillants, c’est la répétition. Pour l’auteur comme pour le chroniqueur. On n’y échappera pas ici.

Revenons vite sur les épisodes précédents : au début des années 1980, environ un pour cent de la population humaine né avec des aptitudes particulières bien au-dessus de la moyenne : capacité à anticiper les mouvements, « don » des mathématiques, possibilité d’interpréter très finement les émotions en observant quelqu’un… Autant de talents fascinants au départ et de plus en plus inquiétants pour les 99% d’êtres humains normaux qui craignent de devenir les faire-valoir de la petite élite que constituent de fait ce que l’on appelle les Brillants. D’où la mise en place d’institutions spéciales pour accueillir les plus doués d’entre eux en les soustrayant à leurs familles, d’une surveillance accrue et, peu à peu, d’une réelle discrimination qui a tôt fait de tourner à la persécution. Mais allez donc essayer de contenir ainsi des gens dotés de telles capacités. D’où ce que nous décrivait Sakey dans le premier tome de cette série, la naissance d’organisations clandestines violentes d’un côté, de refuges ultra-protégés de l’autre, face à des États démunis, aboutissant dans le deuxième volet à un conflit ouvert.

Dans En lettres de feu, le conflit atteint son point culminant avec le siège de la Nouvelle Canaan, lieu de refuge des Brillants par une troupe hétéroclites de milices citoyennes décidées à se débarrasser de ces petits génies encombrants et dangereux avec l’aide en sous-main d’une partie de l’appareil d’État, tandis que les terroristes de John Smith tentent de mener à bien la dernière partie de leur plan visant à l’avènement d’une nouvelle ère dominée par les Brillants. Au milieu de tout cela, notre héros, Nick Cooper, va avoir fort à faire pour tenter de raisonner tout le monde et d’éteindre les incendies qui ne cessent de s’allumer.

On reconnaîtra à Marcus Sakey son souci de mettre un terme à son histoire, de boucler la boucle, tout en laissant une fin un peu ouverte permettant de ne pas sombrer dans un optimisme béat. On lui reconnaîtra aussi, comme précédemment, une réelle capacité à accrocher le lecteur avec une histoire pleine de souffle et dans laquelle il ménage avec dextérité le suspense.

Mais, par ailleurs, il ne se défait pas non plus des défauts qui marquaient les volumes précédents : tendance à appuyer un peu trop sur le côté larmoyant et les états d’âmes d’un Nick Cooper partagé entre deux amours et tiraillé entre son désir de justice et la tentation de rendre une justice expéditive, métaphore parfois un peu pesante que représente cette histoire en laquelle il n’est pas besoin d’être particulièrement fin pour voir un parallèle avec l’Amérique d’aujourd’hui, sa propension à se refermer sur elle-même et à voir en tous ceux qui ne pensent pas de la même manière des ennemis en puissance.

Cela n’empêche cependant pas de passer un agréable moment de lecture. On est certes sans doute plus proches d’un Tom Clancy (en moins réactionnaire) que de la richesse et de la finesse d’un romancier comme Percy Kemp par exemple, mais ce n’est certainement pas ce que l’on attend de Sakey. Un honnête divertissement, donc.

Marcus Sakey, En lettres de feu – Les Brillants, III (Written in Fire, 2016), Gallimard, Série Noire, 2017. Rééd. Folio Policier, 2018. Traduit par Sébastien Raizer. 448 p.

Du même auteur sur ce blog : Les Brillants ; Un monde meilleur ;

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