Satanas, de Mario Mendoza
Avec Satanas, Mario Mendoza nous amène dans Bogota au milieu des années 1980 à la suite d’une série de personnages. Il y a María, jeune travailleuse pauvre, exploitée, regardée uniquement comme un objet sexuel, qui décide de s’allier à deux jeunes hommes, Pablo et Alberto, pour dépouiller des golden boys. Andrés, peintre talentueux, est poursuivi par une terrible malédiction : la maladie qui tuera ses modèles apparaît sur ses portraits. Ernesto est un prêtre sur le point de se défroquer mais confronté à ce qui semble être un cas de possession démoniaque chez une adolescente. Et puis il y Campo Elias, vétéran du Viêtnam qui hait ses voisins – qui le lui rendent bien – et dont l’obsession pour le thème littéraire du double maléfique devient maladive.
Sans nul doute, le nom de Campo Elias évoque quelque chose de précis pour les lecteurs colombiens de Mendoza. Beaucoup moins pour le lecteur français. On se gardera bien de dire si c’est un bien ou un mal. En tout cas, cela réserve pour celui qui ne le connaît pas, une véritable surprise dans le dénouement du roman et sa postface.
Pour le reste, au-delà de la manière dont Mendoza bâtit son intrigue autour de ses quatre personnages principaux et se plaît à s’aventurer aux limites du fantastique tout en offrant un véritable roman noir social, on ne cachera pas que l’on peut éprouver une certaine frustration. Dans le sens où les motivations de certains personnages mais aussi ce qui leur arrive, tout simplement, semble parfois raccroché au récit d’une manière qui, si elle n’est pas totalement artificielle, manque un peu de chair ou d’explications ; on peine un parfois à voir ce que veut dire l’auteur (à moins bien entendu que ce soit moi qui y soit hermétique, ce qui est une hypothèse à ne pas négliger).
Reste malgré tout des scènes particulièrement saisissantes, une atmosphère malsaine à souhait et, on l’a dit, un dénouement surprenant, ce qui fait de Satanas un roman qui, s’il peut s’avérer désappointant, a pour lui de bousculer un peu le lecteur.
Mario Mendoza, Satanas (Satanás, 2002), Asphalte, 2018. Traduit par Cyril Gay. 285 p.