L’été de Katya, de Trevanian

Publié le par Yan

Fidèles à leur politique consistant à éditer ou rééditer des œuvres complètes, les éditions Gallmeister continuent donc de faire paraître l’œuvre de Trevanian avec cette traduction révisée de L’été de Katya, paru initialement en France aux éditions Denoël en 1983. Il ne restera plus dorénavant à traduire que l’ultime inédit de Trevanian, paru l’année de sa mort, en 2005, et ses nouvelles.

Présenté comme une histoire d’amour et un thriller psychologique, L’été de Katya relève certainement plus d’un assez classique suspense autour d’un secret familial, doublé en effet de l’histoire d’un amour déçu et nécessairement tragique. Récit à la première personne censément écrit par Jean-Marc Montjean, médecin dans un village basque de la Soule, vingt-quatre ans après les faits, le roman de Trevanian se déroule à l’été 1914 aux alentours de Salies-de-Béarn. Ville thermale réputée, la Salies de Trevanian accueille la clinique du docteur Gros, spécialisée dans les cures à destination de femmes souffrant de troubles liés à la ménopause.

C’est dans cet environnement particulier qu’évolue le jeune Jean-Marc Montjean, beaucoup moins sensible que son employeur aux charmes des patientes de l’établissement. Un léger accident l’amène à devoir s’occuper Paul Tréville, à la demande de la sœur de ce dernier, Katya. Jeune, impertinente et fougueuse fille, celle-ci ne laisse pas Montjean indifférent malgré les mises en garde de Paul. Les Tréville vivent dans une villa isolée dans laquelle ils viennent d’aménager, apparemment après avoir dû quitter Paris dans la précipitation. Il y a là Monsieur Tréville père, érudit lunaire semblant évoluer hors de la réalité et des basses contingences matérielles, et, donc, Katya et Paul, jumeaux à la ressemblance plus que troublante et à la relation ambigüe qui semble partagée entre un lien indéfectible doublé d’une évidente complicité, et un évident ascendant de Paul sur sa sœur pouvant parfois confiner à la domination pure et simple. Soufflant le chaud et le froid, Paul semble tour à tour vouloir exclure puis accueillir Montjean au sein de la famille tout en disant vouloir protéger à la fois Katya, leur père, et Montjean lui-même. Obnubilé par Katya, ce dernier tente de passer outre la menace latente qui semble peser sur les Tréville et ceux qui s’en approchent.

Avec L’été de Katya, Trevanian livre un roman qui, tant dans ses motifs que dans son écriture relève d’un grand classicisme et qui, si l’ironie mordante habituelle de l’auteur transparaît, joue moins que d’autres de ses œuvres la carte de la misanthropie échevelée. Bien plus court que ses autres romans, celui-ci, sans pour autant sacrifier au plaisir que peut avoir Trevanian d’évoquer le Pays basque ou l’histoire, joue moins sur les digressions et, dans le mystère qu’il fait peser sur les raisons de la fuite des Tréville comme sur leur étrange comportement, fait apparaître chaque discussion, chaque micro-événement, comme quelque chose pouvant aider à la résolution de l’énigme que représente pour Montjean cette famille.

Il y a par ailleurs, dans la troublante relation des jumeaux Tréville comme dans celle, ambigüe, de Montjean vis-à-vis de ses origines qui culmine lors d’une fête de village, une réflexion aigüe sur l’identité qui inscrit pleinement L’été de Katya dans le reste de l’œuvre de Trevanian dont, par ailleurs, Paul Tréville, cynique, provocateur, misanthrope et secret, semble constituer une sorte de double auquel l’auteur n’épargnera cependant rien.

Sous des dehors assez banals, L’été de Katya se révèle donc être un roman symboliquement très chargé sans pour autant jamais être pesant. Mené avec brio, son suspense est indéniablement prenant. Et si le dénouement se révèle quelque peu alambiqué et l’ultime conclusion peut-être superfétatoire, il n’en demeure pas moins que c’est avec un réel plaisir que l’on s’immerge dans cette histoire qui se plaît par ailleurs à flirter parfois avec le fantastique.

Trevanian, L’été de Katya (The Summer of Katya, 1983), Gallmeister, 2017. Traduit par Emmanuèle de Lesseps (traduction révisée par Marc Boulet). 261 p.

Du même auteur sur ce blog : Shibumi ; Incident à Twenty-Mile ;

Publié dans Noir américain

Commenter cet article

O
Bonsoir,<br /> Tu me conseillerais de commencer par quel livre de Trevanian ? Ça me tente mais je ne connais pas du tout.
Répondre
Y
Shibumi est le plus connu et renommé, mais c'est très particulier. Je pense que l'été de Katya ou Incident à Twenty Mile sont plus abordables tout en donnant une assez bonne idée du style de l'auteur.