Ça, de Stephen King

Publié le par Yan

Les bons plans marketing peuvent vraiment être efficaces. Entre la sortie de l’adaptation cinématographique et, en suivant d’un coffret spécial au Livre de Poche, j’ai bien eu envie de me replonger dans Ça, bouquin lu il y a des années, à l’époque du lycée, et qui m’avait alors fait forte impression. Comme d’ailleurs une grande partie des romans de King que j’avais dévorés à l’époque et jusqu’à la fac où je finissais par éprouver une certaine lassitude à mesure que l’auteur semblait de plus en plus brasser de l’air avant de se reprendre il y a de cela quelques années. Bref, j’ai relu Ça.

Pour ceux qui seraient passés à côté, et il y en a sûrement, en particulier dans certains lieux reculés de l’Amazonie, Ça, c’est l’histoire d’un groupe de gamins d’une dizaine d’années qui, à l’été 1958, dans la petite ville de Derry, Maine, affrontent le mal et ses incarnations. La petite bande s’est appelée elle-même le Club des Ratés. Il y a là Bill Denbrough, grand échalas affligé d’un terrible bégaiement, Beverly Marsh, seule fille de la bande, un peu rebelle et garçon manqué, Ben Hanscom, timide et obèse, Eddie Kaspbrak, gringalet écrasé par une mère surprotectrice, Richie Tozier, le binoclard qui balance des vannes nulles, Mike Hanlon, seul enfant noir du patelin et Stan Uris, garçon réservé et juif et persécuté pour cela par les petites frappes. Réunis par les circonstances, le hasard, ou autre chose, ces sept gamins vont se serrer les coudes pour combattre une entité capable d’incarner toutes les peurs de l’enfance et qui se repaît de ses petites victimes dont, notamment, George, le petit frère de Bill, assassiné l’hiver précédent. Vingt-sept ans plus tard, alors qu’ils ont chacun refait leur vie ailleurs, loin du Maine – à l’exception notable de Mike Hanlon, le seul à être resté – ils sont rappelés à Derry pour honorer une promesse faite à la fin de cet été 58 : celle de revenir si Ça, ainsi qu’ils avaient alors nommé cette chose monstrueuse, devait réapparaître, ce qui semble bien être le cas en ce mois de mai 1985.

Eh bien, ce roman a plutôt bien vieilli. King, comme à son habitude, prend le temps d’installer ses personnages, n’hésite pas, grâce à ses aller-retours entre 1958 et 1985, à répéter les choses – il aime ça, il faut dire, vous n’avez qu’à lire 22-11-1963 si vous ne me croyez pas – pour bien les faire entrer dans le crâne du lecteur et faire en sorte qu’elles grignotent doucement son cerveau. Ainsi la tension monte doucement, et l’on a beau savoir ce qui va se passer, on ne perd rien à cette relecture. Le suspense est bien là, l’horreur toujours prête à éclater.

Mais, au-delà de cette capacité à provoquer l’épouvante en alternant crainte de ce qui risque d’arriver, détails du quotidiens juste assez inquiétants pour laisser planer une menace et apparitions triviales de cette horreur, il y a aussi et surtout dans Ça la formidable capacité de Stephen King à décrire l’enfance, sa façon de nous faire voir le monde à travers les yeux de ses héros, et, sous les grands sabots de l’horrifique, une plutôt subtile manière d’évoquer le passage de l’enfance à l’adolescence comme il a pu le faire avant Ça dans la sublime nouvelle Le Corps (qui a donné le tout aussi beau film Stand By Me). Certes, King n’est pas un grand styliste – et par ailleurs on pourrait aussi regretter que les éditeurs n’aient pas revu la traduction française parfois un peu lourde et corrigé les coquilles et inversions de noms de personnages qui subsistent dans certains passages – mais il a le don d’agencer au mieux son récit, à faire s’emboîter toutes les pièces, sans rien abandonner de la chair de ses personnages. Autant dire que c’est avec un plaisir simple et net que l’on se replonge dans ce grand roman fantastique.

Stephen King, Ça (It, 1986), Albin Michel, 1988. Rééd. Intégrale Le Livre de Poche, 2017, 799 et 638 p. Traduit par William Olivier Desmond.

Du même auteur sur ce blog : Mr Mercedes ; Carnets noirs ;

Publié dans SF-Fantastique

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B
Je l'ai moi aussi relu récemment, après une première lecture à l'adolescence, et cela a (re)fonctionné : la montée progressive de l'angoisse, la peur larvée... Et, comme tu le dis très justement, cette faculté de King de décrire l'enfance ! Bref, une réussite ! Un des meilleurs King selon moi (avec "Misery" et "Shining").
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D
Je l'ai lu quand il est sorti en France et il m'a marqué durablement, King est un conteur exceptionnel qui n'aura jamais le Nobel mais qui a captiver des millions de lecteurs depuis 40 ans
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N
Mais l'humour... A chaque fois qu'il fait une vanne, je lève les yeux au ciel.
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Y
J'imagine qu'il en a conscience et qu'il a créé le personnage de Richie rien que pour ça.