La ville des brumes, de Sara Gran
Claire DeWitt, autoproclamée meilleure détective du monde, bourrée de cocaïne jusqu’aux yeux, a quitté la Nouvelle-Orléans pour s’installer de l’autre côté du pays, à San Francisco. Il y a rencontré un homme, Paul, guitariste de son état, avec lequel elle a eu une aventure de quelques mois. Marié avec une autre femme, elle aussi connaissance de Claire, Paul semble s’être posé et avoir atteint un certain bonheur. Jusqu’au jour, bien entendu, où il est retrouvé assassiné dans sa maison. Alors que l’enquête de police piétine assez vite, Claire DeWitt se lance donc à la recherche du coupable.
Comme dans La ville des morts, première aventure de l’héroïne de Sara Gran, on retrouve les méthodes d’investigation non conformistes – éclairées par les aphorismes de Jacques Silette – de Claire DeWitt, incluant interprétation des rêves, abandon de la recherche d’indices au hasard, et syncopes post-absorption de cocaïne trop pure. Autant dire que les amateurs de procedural en seront pour leurs frais. Car ce n’est pas du tout ce qui compte ici. Comme dans le précédent roman de Sara Gran, l’intérêt de La ville des brumes réside avant tout dans la personnalité même de l’héroïne, sa manière de voir témoins et suspects, et le fait que l’on semble toujours flotter aux limites du réel sans pour autant glisser dans le fantastique. Un équilibre précaire que Sara Gran arrive néanmoins à maintenir avec talent.
Et puis il y a aussi toujours la façon dont Gran arrive à se saisir de l’atmosphère de la ville, que ce soit San Francisco ou le Brooklyn et le Manhattan des années 1980 dans lesquels elle replonge Claire DeWitt. Une atmosphère souterraine, qui mêle là aussi réalisme et visions quasi-oniriques (et versant presque, parfois, dans le cauchemar).
Roman d’atmosphère plus qu’enquête bien carrée, La ville des brumes est aussi une belle galerie de personnages légèrement décalés ou trop normaux pour être honnêtes ; et si l’on ne peut nier quelques longueurs et/ou un côté parfois répétitif, on prend encore une fois un réel plaisir à se laisser embarquer par cette étonnante détective. De quoi passer un moment agréable, donc.
Sara Gran, La ville des brumes (Claire DeWitt and the Bohemian Highway, 2013), Le Masque, 2016. Traduit par Claire Breton. 317 p.
Du même auteur sur ce blog : La ville des morts ; Du sang sur l'asphalte ;