Prothèse, d’Andreu Martín

Publié le par Yan

Depuis qu’il est sorti de prison, Miguel n’a qu’une idée en tête : se venger de Gallego, le flic qui, lors de son arrestation lui a consciencieusement brisé les dents et la mâchoire. C’est donc doté de son dentier tout neuf et d’une détermination à toute épreuve qu’il revient à Barcelone pour retrouver Gallego et lui faire la peau. Là, sous le nom de « Dientes », il va renouer avec ses anciens complices, retrouver la Nena, dont il était amoureux à l’époque, et surtout s’apercevoir que son bourreau, renvoyé de la police après d’autres explosions de violence est devenu convoyeur de fonds. Le voilà prêt à assouvir sa vengeance.

Prothèse est un livre étonnant et par certains côtés déstabilisant. L’écriture est assez banale, parfois maladroite et la description des personnages est un peu à l’avenant, tirée à grands traits pour les personnages secondaires tandis que Miguel et Gallego sont plus approfondis mais aussi parfois assez stéréotypés.

Pourtant, et c’est ce qui est surprenant, Andreu Martín réussit à créer une atmosphère étouffante et à maintenir jusqu’à la fin une tension des plus oppressantes. Il arrive ainsi à accrocher le lecteur, à le plonger dans une Barcelone crasseuse et malsaine, à l’image des personnages qu’il lâche dans ses rues, galerie de truands de bas-étages, de putes tristes et de matamores dissimulant mal leur lâcheté intrinsèque. La manière dont Miguel et Gallego vont se tourner autour, le premier évitant toujours au dernier moment la confrontation ultime tandis que l’autre, pour avoir la simple sensation de redevenir celui qu’il a été – une belle pourriture, certes, mais au moins quelqu’un –, ne fait que la chercher, est sans doute ce qu’il y a de plus intéressant.

Le tout mène à un dénouement aussi violent qu’invraisemblable qui a pour lui d’être cathartique. Le tout fait de Prothèse un roman qui, faute d’être grand, est à tout le moins assez original pour créer chez le lecteur un véritable inconfort. Une curiosité qui vaut le détour.

Andreu Martín, Prothèse (Prótesis, 1984), Gallimard, Série Noire, 1994. Traduit par Georges Tyras. 237 p.

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