L’effet tequila, de Rolo Diez
Marié, deux enfants, une maîtresse à entretenir, Carlos Hernández a des frais. Ça tombe plutôt bien puisqu’il est policier à Mexico, métier qui permet de pouvoir compter sur de régulières rentrées d’argent destinées à compléter de manière conséquente un salaire trop faible. Carlos a donc trois prostituées qui lui versent une commission sur leurs honoraires, des commerçants qui le paient pour leur protection et des hommes d’affaires qui lui achètent de la fausse monnaie. Cela pourrait sembler être de l’argent facilement gagner, mais il ne faut pas se fier aux apparences. D’abord, Carlos à un chef qui veut sa part. Ensuite, tous ceux qui lui doivent de l’argent n’ont pas forcément envie de le lui donner. Il faut donc régulièrement insister – parfois même un peu fort. Quand un gringo se fait descendre et que Carlos doit enquêter, cela perturbe son emploi du temps. Carlos doit recruter de l’aide et même investir un peu de ses propres fonds dans cette enquête, en espérant qu’elle finira bien par lui rapporter.
Il est indéniable que l’intérêt de L’effet tequila se trouve moins dans l’enquête foutraque de Carlos Hernández que dans les pérégrinations agitées de ce dernier et dans ses admirables sentences sur son métier, ses collègues, les femmes avec lesquelles il couche ou voudrait coucher et la température de sa bière du petit-déjeuner. Policier instruit, féru de littérature et même de philosophie, mais surestimant certainement sa capacité à éviter les ennuis, machiste et un brin alcoolo, flirtant avec le burnout, Carlos Hernández est aussi déplaisant dans l’absolu que plaisant à voir évoluer tant Rolo Diez le charge d’une dose de cheval d’autodérision et de second degré.
L’effet tequila est un roman échevelé, violent et porté par un humour aussi cynique que salutaire. Il a par ailleurs la politesse d’être relativement court – un peu moins de 200 pages qui défilent bien vite – épargnant au lecteurs de longs bavardages inutiles ou des descriptions interminables au profit de bavardages inutiles, certes, mais marrants et d’une absence de description réelle des faits qui ôte certes un peu de sens à l’enquête de Carlos Hernández (de toute façon, on s’en fiche presqu’autant que lui), mais qui en compensation permet de plonger au cœur de son esprit pour le moins désordonné.
Si vous aimez le roman et l’humour noirs et un rien désespérés et que vous êtes plus intéressés par les tourbillons de folie dans lesquels se laissent parfois entraîner les personnages de ce genre de roman que par la cohérence des enquêtes, il est fort possible que vous puissiez bénéficier avec profit de L’effet tequila.
Rolo Diez, L’effet tequila (Mato y voy, 1992), Gallimard, 1996. Rééd. Folio Policier, 2000. Traduit par Alexandra Carrasco.192 p.