Jackpot, de George Dawes Green
Shaw et Romeo ont quitté l’Ohio et leur quotidien minable de petits employés doublés de petites frappes pour faire route vers la Floride. Une bestiole traversant devant eux quelque part en Caroline du Nord va bouleverser leur destin et, par la même occasion, celle de la famille Boatwright, de Brunswick, en Géorgie. L’animal coincé sous le châssis de la voiture de Shaw et Romeo les force en effet à s’arrêter dans une station-service à l’entrée de la petite ville dans laquelle vivent les Boatwright. Ces derniers viennent de remporter la super cagnotte de la loterie l’État : pas moins de 318 millions de dollars. De quoi éveiller l’attention de Shaw qui décide de séquestrer la famille afin de les forcer à partager le gros lot avec lui. En attendant la remise de l’argent, il vivra chez eux pendant que Romeo patrouillera dans la ville, prêt à tuer leurs proches au moindre signe de rébellion.
Sur cette trame de thriller sans surprise, George Dawes Green réussit à créer de l’intérêt en jouant à fond sur la psychologie des personnages. D’un côté un Shaw poussé autant par l’appât du gain que par le désir d’être aimé et un Romeo que l’absence de personnalité et des années de frustration dans l’ombre de son ami rendent particulièrement imprévisible. De l’autre la famille Boatwright ; un père terne qui ne se réalise que dans la religion, une mère alcoolique et velléitaire, un fils préadolescent capricieux une fille, Tara, lumineuse mais bien seule dans ce foyer et une grand-mère fantasque, Nell. Otages de Shaw, ils vont se trouver partagés entre la crainte, le désir de vengeance, et une certaine sympathie créée par la promiscuité et le charisme de leur bourreau.
George Dawes Green réussit ainsi à rendre incertaines les actions de ses personnages et l’issue de son histoire dans laquelle il intègre aussi un vieux policier transi d’amour pour Nell en butte au mépris de ses supérieurs et de ses collègues. Il met aussi en exergue les travers de la petite communauté de Brunswick, la toute-puissance des médias et la superficialité des prédicateurs et de leurs ouailles. Pour autant, et malgré un humour indéniable qui vient un peu pimenter le tout, l’auteur semble parfois peiner à faire avancer son histoire, s’enlisant dans des développements laborieux ou tentant de rendre cohérents des éléments qui ne le sont pas forcément ; le tout porté par une écriture efficace mais sans grand relief.
Cela donne un roman amusant, certes, mais sans être passionnant. Une lecture sans conséquences et qui s'oublie assez vite.
George Dawes Green, Jackpot (Ravens, 2009), Librairie Générale Française, 2014. Rééd. Le Livre de Poche, 2016. 379 p.