Les écailles d’or, de Parker Bilal

Publié le par Yan

Premier volet d’une série annoncée d’une dizaine de volumes, Les écailles d’or met en scène Makana, ancien policier soudanais devenu enquêteur privé au Caire. Ayant fui dans des circonstances tragiques son pays d’origine après la prise de pouvoir des islamistes, Makana vivote dans la mégapole égyptienne lorsque Hanafi, milliardaire régnant sur un immense empire financier, le contacte pour retrouver Adil Romario, joueur star de l’équipe de football du magnat, porté disparu depuis plusieurs jours. Ancien truand devenu respectable grâce à des collusions avec le pouvoir, Hanafi n’est certainement pas seulement motivé par le bien de son équipe de football. Makana ne va pas tarder à le découvrir.

Ainsi donc Parker Bilal se saisit de la figure classique du privé approchant du bout du rouleau pour la propulser dans un environnement auquel le lecteur n’est pas forcément habitué. Pour autant, l’auteur ne fait pas dans l’exotisme au rabais et, si les pyramides émergent parfois des brumes de pollutions qui étouffent la capitale égyptienne, si le chemin de Makana le mènera au bord de la mer Rouge, Bilal n’entend pas nous offrir une visite touristique.

Ce qu’il dévoile derrière une enquête pour le moins attendue et guère surprenante malgré son lot de rebondissements qui obéissent finalement aux règles du genre, c’est surtout l’atmosphère délétère des années durant lesquelles Bilal ancre son récit. Nous sommes en effet en 1998, quelques mois après l’attentat mené par des islamistes à Louxor à la fin de l’année précédente. Aussi Makana, victime de l’islamisme politique arrivé au pouvoir au Soudan des années auparavant, assiste-t-il à l’expansion insidieuse d’un mouvement similaire dans son pays d’accueil où l’autoritarisme de Moubarak allié à une forte dérèglementation économique incarnée ici par Hanafi et le poids de l’armée et de la police facilitent par ailleurs la corruption et les arrangements contre-nature.

Outre un personnage principal bien campé, sans illusions et dont l’histoire personnelle rejoint l’histoire politique de la région, l’intérêt de ce roman réside essentiellement dans la manière dont Parker Bilal arrive à faire vivre sans se montrer docte ou lénifiant l’arrière-plan social et politique d’une société égyptienne tiraillée par les inégalités, vendue au capitalisme sauvage auquel Hanafi et le Russe Vronski prêtent leurs visages, et dans laquelle, lentement mais sûrement une autre idéologie avance à peine masquée.

Quand la forme sert un fond passionnant.

Parker Bilal, Les écailles d’or (The Golden Scales, 2012), Seuil Policiers, 2015. Rééd. Points Policier, 2016. Traduit par Gérard de Chergé. 478 p.

 

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V
J'aime beaucoup cet auteur ! et "Meurtres rituels à Imbaba", paru en février dernier, est excellent !
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Y
Je l'ai en stock !