Dedans, de Sandro Bonvissuto
Paru en avril et un peu passé inaperçu, Dedans, de Sandro Bonvissuto vaut pourtant que l’on s’y attarde. Composé de trois nouvelles de tailles inégales (un peu moins d’une centaine de page pour la première, une quarantaine et une trentaine respectivement pour les deux autres) le livre de l’auteur romain est un voyage intérieur. À l’intérieur, aussi, puisqu’il s’ouvre avec « Le jardin des oranges amères » qui raconte l’expérience du narrateur en prison. On se saura jamais son nom, ni même pourquoi il est arrivé là et ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, ce sont les pensées de cet homme qui rebondissent sur les murs de la prison. Les murs, parlons-en, d’ailleurs :
« Malgré les apparences, le mur n’est pas fait pour agir sur votre corps ; si vous ne le touchez pas, il ne vous touche pas. Il est conçu pour agir sur la conscience. Parce que le mur n’est pas une chose qui fait mal ; c’est une idée qui fait mal. Il vous détruit sans même vous effleurer. […]
Et construire un mur c’est faire quelque chose contre. Parce que maintenant il est clair que les murs ne peuvent pas être pour. Et, malheureusement, les murs ne sont pas construits contre quelque chose, parce que les murs sont toujours construits contre quelqu’un, contre les êtres vivants. Quand vous construisez un mur vous devez savoir qu’il sera forcément contre quelqu’un, même si vous ne savez pas contre qui. Il faudrait refuser de construire des murs d’enceinte. Même quand on nous paie. »
Ainsi Sandro Bonvissuto donne à ressentir l’enfermement, la déshumanisation mais aussi quelques moments où l’entraide l’emporte, où l’on fait front. Son écriture intime rend palpables les sentiments de son personnage et, tout en ayant quelque chose de poétique, met le lecteur face à une réalité crue.
Puis, comme un oignon que l’on pèle, Bonvissuto remonte le temps et la vie du narrateur. « Mon compagnon de banc » est l’histoire de son entrée au lycée et de la naissance de l’amitié fusionnelle de deux garçons qui, plutôt que d’entrée en compétition choisissent de vivre l’échec ensemble et d’en tirer une réelle satisfaction. Plus loin encore dans l’enfance, « Le jour où mon père m’a appris à faire de la bicyclette » raconte une autre forme d’émancipation, de mur à franchir. Et là encore Sandro Bonvissuto sait choisir les mots qui touchent et leur donner une portée universelle.
Dedans est un de ces livres qui s’offrent à ceux qui savent les accueillir. Original dans la forme comme dans le fond, profondément émouvant sans tirer sur la corde du pathos ou des bons sentiments, il saisit le lecteur et l’emmène là où il ne serait pas forcément allé, lui offre une autre manière de voir et de sentir.
Sandro Bonvissuto, Dedans (Dentro, 2012), Métailié, 2016. Traduit par Serge Quadruppani. 183 p.