Incandescences, de Ron Rash

Publié le par Yan

C’est le Ron Rash nouvelliste que l’on découvre dans le très beau Incandescences paru il y a déjà quelques mois. Douze nouvelles dans lesquelles se trouvent concentrées les grandes thématiques de l’œuvre de Ron Rash : empreintes de l’Histoire, superstitions, pauvreté, attachement à la terre, violence du quotidien, âpreté des liens sociaux… et puis aussi, prégnante ici car Rash ancre une partie de ses nouvelles dans notre époque quand ses romans content souvent des histoires du passé, il y a la méthamphétamine qui ravage la vie des blancs pauvres des rugueuses montagnes des Appalaches. Un sujet déjà au centre de biens des récits des auteurs de noir actuels – Woodrell, bien entendu, Frank Bill aussi, ou encore Peter Farris pour n’en citer que quelques-uns – et auquel Rash s’accroche ici plusieurs fois et dont il fait le révélateur d’un monde qui n’en finit pas de sombrer.

Empathique mais pas forcément tendre avec ses personnages, Rash en malmène ici quelques-uns dans des récits souvent désespérés. Ainsi en va-t-il du pathétique destin du petit Jared (« L’envol ») ou de la position ambigüe de Parson, le prêteur sur gages de la nouvelle « Le bout du monde ».

Il y aussi, comme dans l’œuvre romanesque de Ron Rash de magnifiques portraits de femmes. Brutaux comme celui de Lily (« Lincolnites »), déchirants comme celui de Marcie engoncée dans son angoisse de la solitude dans la nouvelle-titre « Incandescences » ou flottant aux limites de la réalité, entre un passé qui s’efface et un avenir dont on ne sait de quoi il sera fait (« La femme qui croyait aux jaguars »).

Aux côtés des personnages de Ron Rash, anonymes héros, salauds, ou juste femmes et hommes essayant tant bien que mal de survivre au jour le jour, on déterre des cadavres (« Des confédérés morts »), on se drape dans sa dignité presque jusqu’à en faire mourir sa famille (« Des temps difficiles ») et on regarde comment, malgré l’immuable avancée du monde moderne, des hommes restent profondément liés à la terre rude qui les a vu grandir, parfois jusqu’aux limites de la folie comme dans la saisissante nouvelle « L’oiseau de malheur » ou de la tentation de la mort que l’on est prêt à administrer ou à accueillir comme dans la poignante histoire du vieux Jessie (« Dans la gorge »).

Condensé de la sublime plume de Ron Rash, les nouvelles d’Incandescences sont autant de friandises pour les adeptes de l’auteur et de biens belles façons de pénétrer son monde pour ceux qui ne le connaitraient pas encore.

Ron Rash, Incandescences (Burning Bright, 2010), Seuil, 2015. Traduit par Isabelle Reinharez. 205 p.

Du même auteur sur ce blog : Une terre d’ombre ; Un pied au paradis ; Serena ; Le chant de la Tamassee ; Par le vent pleuré ; Un silence brutal ;

Publié dans Noir américain

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S
J'ai trouvé ce recueil magnifique, très fort et très noir, la première nouvelle est une claque et la dernière met KO
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