Mathilde est revenue, de Grégory Nicolas
Quelque part entre la blanche et la noire, Mathilde est revenue est l’histoire d’une disparition. Celle de Mathilde, bien entendu, celle de l’amour, peut-être aussi.
Mathilde et Jérôme ont décidé d’avoir un enfant. Louis arrive et il pleure. Tout le temps. On s’adapte, on déménage vers la Bretagne où l’air est plus pur et la vie plus simple et les sentiments s’étiolent.
Cela aurait pu être un roman de plus sur la crise du couple ou, pire, un roman de trop sur un thème rebattu. Mais Grégory Nicolas ne va pas forcément où on l’attendait.
Grâce à une construction qui lui permet de dire beaucoup sans en faire des tonnes, d’abord. Ainsi le récit commence-t-il à la troisième personne avant de laisser la place à Mathilde, puis à Jérôme et d’abandonner à Louis la conclusion. À chaque fois un ton différent et, surtout, la capacité de l’auteur à ne pas se laisser entraîner sur la pente glissante du pathos à outrance. Car Grégory Nicolas aime bien le drame, certes, mais n’est pas du genre à s’y complaire.
Ensuite parce que, alors que se dévoile l’histoire de ce couple, les points d’achoppements entre Mathilde et Jérôme, les bonheurs et malheurs plus ou moins grands, la plume demeure légère et sait capter, comme c’était déjà le cas dans les nouvelles de La part de l’orage, les petits détails qui viennent à la fois détendre l’atmosphère mais en disent aussi souvent beaucoup de ces personnages qui se construisent sous nos yeux : des rêves de moustache, l’envie de faire de la trottinette, d’irritantes chansons d’Adamo…
C’est tout cela qui fait le sel du roman de Grégory Nicolas ; cette façon à la fois grave et légère de saisir les rouages des sentiments humains sans en faire des objets d’études que l’on dissèque ; cette manière de dire qu’en fin de compte c’est toujours la vie qui gagne. Fut-elle parfois bien vacharde, on l’aime quand même, on la dévore et on la boit (elle a apparemment un petit goût de Cornas, cuvée « sans soufre » 1999 de chez Thierry Allemand). Et on lit Grégory Nicolas de la même manière, avec le cœur parfois pincé mais, au bout du compte, un peu plus léger. Ça ne peut pas faire de mal.
Grégory Nicolas, Mathilde est revenue, Rue des Promenades, 2015. 246 p.