Chaos de famille, de Franz Bartelt
Plonque est marié à Camina qui, depuis douze ans refuse qu’il la touche. Outre un caractère autoritaire et une laideur repoussante, Camina a aussi toute une famille composée exclusivement de dépressifs très à cheval sur le caractère sacré de la dépression (« Tu n'as aucune dignité, Bernard. Tu ne mérites pas d'être dépressif. »). Plonque non plus, d’ailleurs, n’a pas grand-chose pour plaire : « Dans les disputes, je suis de ceux qui ont toujours tort. Mon physique ne plaide pas en faveur de mon innocence. J'ai une sale gueule. » Alors Plonque fantasme sur la voisine d’en face, Madame Quillard, qu’une série d’accidents et d’enterrement dans sa belle-famille lui permette de voir un peu plus souvent, surtout depuis que, pour ne plus avoir à parler à Camina, il simule une « paralysie flasque » :
« Devenu paralytique, pratiquement certifié par la médecine, ou ce qu'il en restait dans un médecin comme le docteur Pételle, je me sentais radieux de pouvoir enfin me consacrer totalement à mes aptitudes d'obsédé sexuel, dans la chimère comme dans le tangible. »
Lorsque l’on a dit ça, en fait, on a déjà pratiquement tout dit de Chaos de famille. Long monologue d’un Plonque détesté par tout le monde et, il faut bien le dire, qui n’emporte pas non plus la sympathie du lecteur. Pas plus d’ailleurs qu’aucun des personnages, tous plus répugnants, égoïstes et fourbes les uns que les autres. Affreux, sales et méchants, ils s’enferrent dans leur bêtise crasse, se vautrent dans leur médiocrité et n’obéissent qu’à leurs plus bas instincts : obsession du sexe pour Plonque et Quillard, mais aussi pour un croque-mort avec une drôle de vision de l’amour, auto apitoiement et télévision pour la famille de Camina.
Jeu de massacre en règle, Chaos de famille, plus qu’une histoire d’un seul tenant est avant tout un enchaînement de situations que, selon le degré d’humour que l’on est capable de supporter, l’on trouvera soit tristes à pleurer devant tant de bêtise et de bassesse, soit à mourir de rire. On aura compris que, pour ma part il s’agit d’une lecture hautement jouissive. Non seulement parce que Bartelt s’y entend pour outrager sans aucun frein tous ses personnages, mais aussi parce que sa plume imagée, pince-sans-rire et acide réussit à rendre les moments les plus glauques totalement hilarants.
Franz Bartelt, Chaos de famille, Gallimard, Série Noire, 2006. Rééd. Folio Policier, 2015.
Du même auteur sur ce blog : Le jardin du bossu ; Hôtel du Grand Cerf ;