Zombi, de Joyce Carol Oates

Publié le par Yan

En s’inspirant très librement de Jeffrey Dahmer, auteur des meurtres de dix-sept jeunes hommes, Joyce Carol Oates met en scène Quentin P., fils d’une famille bourgeoise d’une petite ville du Michigan. Issu d’un milieu aisé, intelligent sans être surdoué mais effacé et peu sociable, Quentin est en période de probation après avoir été jugé coupable d’agression sexuelle envers un jeune mineur. Mais si malgré leur inquiétude à son sujet ses parents, sa sœur et sa grand-mère veulent croire à un moment d’égarement, Quentin n’a pas abandonné ses fantasmes. Au contraire, et c’est lui qui nous le raconte dans ce récit haché et halluciné à la première personne, il envisage de créer son propre zombi. Un esclave sexuel à demeure. Et pour cela il compte sur sa capacité à pratiquer artisanalement la lobotomie transorbitale.

Figure dorénavant incontournable de l’imaginaire américain, au même titre que la Cadillac ou le Coca Cola, le tueur en série est aussi devenu la tarte à la crème des cinéastes et romanciers, pour le meilleur parfois, mais le plus souvent pour le pire. Côté littérature, on retiendra notamment le Dragon rouge de Thomas Harris et surtout Un tueur sur la route, de James Ellroy. Et, c’est heureux, c’est plutôt de ce dernier que se rapproche Joyce Carol Oates avec Zombi.

En se glissant dans la tête du tueur, Oates se livre moins à une recherche de ce qui fait, qui forme, un tueur en série, qu’à une étude intime de son comportement avec ce que cela peut comporter de crudité et d’incohérence dans la pensée et le comportement. L’exercice est difficile, propre à tourner, s’il est mal maîtrisé, à l’inventaire horrifique et voyeuriste, mais l’auteur arrive à trouver un équilibre, à en dire et en montrer assez pour rendre son récit glaçant sans pour autant verser dans l’exhibition gore gratuite. Car s’il ne sait pas – et ne se demande même pas – pourquoi il agit ainsi, Quentin est bien conscient que ce qu’il fait est mal. Et, d’une certaine manière, sans renier ses fantasmes et ce qu’il est, il se voile la face, ne serait-ce que pour pouvoir faire bonne figure lorsqu’il doit se confronter aux autres ; ses parents, son agent de probation, son psychiatre, ou les locataires de l’immeuble de rapport familial dont il est le gardien.

Cela donne un livre étrange, inconfortable et malsain, mais aussi fascinant – parce que, en fin de compte, on peine toujours à lutter contre nos tendances morbides et voyeuristes. Et surtout, c’est un bel exercice d’écriture de la part de Joyce Carol Oates.

Joyce Carol Oates, Zombi (Zombie, 1995), Stock, 1997, 2011. Rééd. Le Livre de Poche, 2014.

Publié dans Noir américain

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F
Question littérature concernant les tueurs en série, j'ai entendu causer récemment de "Ma mémoire assassine" de Kim Young-ha qui sortirait des sentiers battus. Un serial killer reprenant du service à 70 piges avec Alzheimer en bandoulière. L'avez-vous lu ou l'un de vos fidèles blogueurs l'a-t-il parcouru ? Merci d'avance.<br /> Amicalement
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Y
Je ne connais pas du tout. Mais résumé ainsi, ça a l'air amusant.