Tu n’as jamais été vraiment là, de Jonathan Ames

Publié le par Yan

Novella plus que roman, Tu n’as jamais été vraiment là est une variation intéressante autour du roman noir et de ses archétypes. Ames y prend donc Joe, ancien marine, ancien agent du FBI, devenu une sorte de détective, parfaite incarnation du dur à cuire. Si ce n’est que Joe, traumatisé par ce qu’il a pu voir dans ses précédentes carrières, par une enfance vécue dans la crainte constante d’un père violent, vit avec sa maman et envisage régulièrement le suicide. Engagé par un sénateur pour retrouver sa fille mineure enlevée et séquestrée dans un réseau de prostitution, Joe se prépare à foncer dans le tas, au risque d’avoir de bien mauvaises surprises.

Si tous les ingrédients d’un roman noir vitaminé, voire franchement bourrin, – détective torturé, opiniâtre et qui ne craint pas les coups, manipulations, explosions de violence – sont bien là,  Jonathan Ames les tord avec intelligence pour donner à son récit plus de profondeur. Coquille presque vide errant dans un monde corrompu, Joe apparaît comme un être fantomatique mû moins par la vengeance que par un restant de pulsion de vie et la nécessité d’accomplir de bonnes actions pour pouvoir continuer à vivre. Froid et méthodique comme le Parker de Richard Stark, le héros de Jonathan Ames dispose peut-être d’une plus grande épaisseur morale, à tout le moins sentimentale.
Ce jeu sur les états d’âme de Joe – appuyé par une écriture qui s’adapte aux sentiments et actions du personnage, tour à tour froide et sèche ou démonstrative – permet au récit de prendre une dimension, toutes proportions gardées, quasi métaphysique. Ce qui n’empêche pas le tout d’apparaître comme un concentré de noirceur, de violence et de pessimisme. Un bel exercice de style.

Jonathan Ames, Tu n’as jamais été vraiment là (You Were Never Really Here, 2013), Joëlle Losfeld, 2013. Rééd. Folio Policiers, 2015. Traduit par Jean-Paul Gratias. 98 p.

Publié dans Noir américain

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C
Yes, sec, musclé et sentimental<br /> il est très fort ce Jonathan Ames<br /> et passer de Bored to death à un texte comme ça prouve l'étendue de son talent
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Y
Oui, c'est vraiment bien fichu.