Prime Time, de Jay Martel

Publié le par Yan

« "Tremblements de terre, attentats terroristes, effondrement des marchés boursiers", dit Dennis. Perry regardait avec ahurissement le jeune homme assis sur son canapé lui dresser allégrement la liste des catastrophes programmées pour le grand finale de la Terre. "Puis tout s’achèvera avec ça… le coup de grâce."

Dennis fouilla dans la poche de son blazer et en sortit un stylo qu’il brandit devant le visage de Perry. On y voyait la photo d’une femme en burqa.

"C’est ce truc qui va provoquer la fin du monde ?" demanda Perry. Dennis sourit et fit oui de la tête. "Un stylo ?

-Regardez" dit Dennis. Il renversa le stylo et la burqa disparut, laissant apparaître une jolie brune totalement nue. "Et voici la petite étincelle qui mettra définitivement le feu aux poudres", ajouta-t-il en désignant trois mots imprimés en tout petit, à la pointe du stylo. Perry plissa les yeux et put lire :

MADE IN ISRAEL »

Ça fout les jetons, non ? En tout cas, Perry Blunt, scénariste has been reconverti dans l’enseignement pour des ateliers d’écriture scénaristique, les a à zéro lorsqu’il découvre qu’Amanda, la plus mignonne et intéressée de ses étudiantes, est une extraterrestre, mais aussi et surtout une des productrices d’une émission de téléréalité qui a longtemps fait se gondoler l’univers entier et dont les héros sont les humains. Plus encore lorsqu’il apprend que, faute d’audience, la Terre va être déprogrammée et que pour réduire les coûts un grand finale explosif menant à la destruction de la planète est prévu. Écrivain médiocre, humain insignifiant, Perry Blunt se retrouve avec le destin de l’humanité entre les mains. À lui de proposer au peuple d’Amanda, les Édénites, et plus particulièrement à Elvis Presley (évidemment !) un nouveau concept d’émission propre à faire revenir les producteurs sur leur décision, quitte à en devenir le héros involontaire.

L’éditeur, Super 8, vend en quatrième de couverture Prime Time comme la fusion du Truman Show et du  Guide du voyageur galactique. On y ajouterait bien un soupçon de Pierre Richard version Grand Blond. Partant d’un postulat de série B assez réjouissant, Jay Martel prend un évident plaisir à en tirer le fil et à entraîner son héros dans des pérégrinations aussi frustrantes et douloureuses pour lui que drôles pour le lecteur ou le spectateur édénite. Des aventures au détour desquelles Martel s’amuse à gentiment tacler le milieu de l’audiovisuel ou le complexe de supériorité américain :

« Les citoyens de ce pays avaient beau n’avoir – bien entendu – aucun moyen de savoir que leurs inénarrables exploits étaient diffusés à plusieurs milliards de téléspectateurs de l’autre côté de la galaxie, ils semblaient avoir un sens innée de leur prééminence. "Les Américains sont les meilleurs !" entonnaient-ils lors de grands rassemblements patriotiques et d’événements sportifs internationaux. "Nous sommes le plus grand pays du monde" répétaient fréquemment leurs dirigeants ; et, au vu de leur aptitude à divertir, ils avaient absolument raison. »

Mais, surtout, Jay Martel fait rire. Et si l’intrigue s’avère prévisible, sans grande surprise, elle est surtout parsemée d’une multitude de petites trouvailles hilarantes, de situations tour à tour loufoques et vaguement kafkaïennes. Comme il existe des « feelgood movies », il existe des « feelgood books », qui assurent la mission, pas si facile, de nous faire marrer sans retenue et donc de faire du bien. Prime Time en fait partie.

Jay Martel, Prime Time (Channel Blue, 2014), Super 8 Éditions, 2015. Traduit par Paul Simon Bouffartigue. 473 p.

Publié dans SF-Fantastique

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