Dernier meurtre avant la fin du monde, de Ben H. Winters

Publié le par Yan

« La fin du monde change tout, du point de vue judiciaire. »

C’est un fait. Quand la collision d’un astéroïde géant avec la Terre est annoncée pour les mois à venir, la plupart des gens se fichent complètement de l’avenir, policiers compris. Alors pour chercher, au milieu d’une vague de suicides un éventuel meurtre et tenter de le résoudre, il faut vraiment être opiniâtre. C’est justement le cas de Henry Palace. Henry, ou Hank, a vécu une ascension fulgurante au sein de la police de Concord, New Hampshire. Pas forcément grâce à ses compétences, mais plutôt parce que l’annonce de la fin du monde a poussé nombre de ses collègues à lâcher leur poste pour vivre leurs rêves. Ou pour se suicider. Voilà donc l’agent Palace devenu inspecteur et qui a décidé que le type retrouvé pendu avec une ceinture dans les toilettes d’un McDonald’s ne s’est pas suicidé. Bien entendu, à part lui, tout le monde s’en fout.

Sans doute un peu à la bourre (oh, pas plus de quelques mois… ou années ?), c’est grâce à Christophe Laurent que je découvre les éditions Super 8 et ce drôle de roman qui entre parfaitement en écho avec le nom de l’éditeur puisqu’on est bien là, si on se réfère au format cinématographique, dans la série B bricolée à partir d’un format amateur (éclairé, quand même, l’amateur). La réussite de Ben H. Winters, tient ici, outre l’excellente idée de départ – à quoi cela sert-il, alors que le monde tel qu’on le connaît va bientôt disparaître, de continuer à chercher des poils sur les œufs alors que l’on a des tas d’autres choses plus intéressantes à faire ? – à son personnage principal ainsi qu’à l’atmosphère dont il pare son roman.

Hank Palace n’est en effet pas seulement mu par une opiniâtreté touchant à la compulsion mais aussi par une véritable compassion à l’égard des autres humains. Cela fait de lui, au milieu d’un monde en train de devenir fou, un ilot de bon sens… que tout le monde prend donc pour un demeuré. Ce décalage permet de créer un véritable attachement au personnage tout en préservant tout au long du roman un heureux humour au deuxième degré.

Et si l’intrigue, au fond, demeure très classique et sans grande surprise, Winters crée par contre autour de Palace et de ses autres personnages pas piqués des vers une formidable ambiance pré-apocalyptique sans user du grand guignol. Par petites touches, à travers des visions fugaces ou des remarques sibyllines de Palace, le tout rendu plus palpable encore par le côté cotonneux de cette enquête menée sous la neige, il installe une atmosphère vaguement délétère, pesante, mais aussi absurde.

Prenant et amusant, Dernier meurtre avant la fin du monde est donc une agréable série B, pas un chef-d’œuvre, non, mais un bon moment de lecture popcorn intelligemment mené.

Ben H. Winters, Dernier meurtre avant la fin du monde (The Last Policeman, 2012), Super 8 Éditions, 2015. Traduit par Valérie Le Plouhinec. 345 p.

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Publié dans Noir américain

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