Les blondes, d'Emily Schultz

Publié le par Yan

Il y a en ce moment, depuis quelques années en fait, une véritable vogue des romans, films, séries ou BD relatifs aux zombies ou à la destruction d’une partie de l’humanité à cause de virus inconnus. Cela a bien entendu à voir, outre un écho certain avec l’actualité, de la vache folle à Ebola en passant par le virus H1N1,  avec les interrogations que l’on peut avoir sur le monde dans lequel nous vivons, avec la crainte de ce que l’avenir nous réserve, avec le fait, aussi, que ce genre de parabole est assez facile, accessible et, en tant que phénomène à la mode, susceptible de toucher un plus large public.

On a parlé ici il y a quelques semaines du Vongozero de Yana Vagner. C’est aujourd’hui au tour d’une autre femme d’aborder cette thématique avec Les Blondes.

Il s’agit ici de l’histoire d’Hazel Hayes, thésarde canadienne venue faire ses recherches à New York. Alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte de Karl Mann, son directeur de recherches, elle assiste au début d’une épidémie qui semble ne toucher que les femmes blondes. Les victimes deviennent enragées et se mettent à agresser avec une extrême violence les personnes qui les entourent.

C’est isolée dans un chalet qu’elle partage avec l’épouse légitime de Karl qu’Hazel, presque au terme de sa grossesse, conte à son enfant les événements qui ont précipité sa fuite de New York, l’hystérie collective, les centres de rétentions, les soupçons…

Le roman d’Emily Schultz part donc d’un postulat plutôt amusant, cette maladie qui touche les femmes blondes, vraies ou fausses, porteuses de perruques comprises, et, de fait, l’humour n’est jamais totalement absent du récit. Mais il ne s’agit là que d’un élément accessoire, le fond du livre se révélant bien plus grave. Emily Schultz désire de toute évidence aborder d’abord, à l’image de son héroïne dont c’est le sujet de recherches,la question de la place et de l’image de la femme dans la société. À cela vient s’ajouter sa grossesse qui soulève clairement la question de la figure de la femme enceinte perçue à la fois comme une icône intouchable et un danger diffus.

Tout cela donne un roman qui, à mon sens – et je me dois d’admettre que mon état de mâle sans enfants contribue nettement à cette perception – n’est que partiellement réussi.

Les scènes qui présentent, à travers les yeux d’Hazel, la diffusion de l’épidémie et les changements qui s’opèrent dans la société dans les mois qui suivent sont souvent très réussies. Emily Schultz arrive avec une belle économie de moyens et un sens accompli de l’ellipse – je pense en particulier à ses retrouvailles avec son ami d’enfance – à instaurer un climat pesant, glaçant. Mais, par ailleurs, ses longs monologues, ses questionnements sur sa grossesse, sa relation avec Karl Mann puis avec la femme de celui-ci m’ont paru, par contraste, bien trop bavards et répétitifs.

Il s’agit indéniablement d’un roman intelligent écrit par une romancière dont le talent est tout aussi indéniable mais dont on peut parfois regretter qu’elle n’arrive pas toujours à faire fusionner les deux genres qu’elle aborde, la chronique intime et ce sous-genre du roman fantastique qu’est la chronique de la diffusion d’une épidémie inconnue. Ainsi m’est-il apparu tour à tour très plaisant et vaguement ennuyeux. Et si en définitive Les blondes n’est pas objectivement mauvais, il n’a jamais vraiment su m’accrocher totalement.

Emily Schultz, Les blondes (The Blondes, 2012), Asphalte, 2015. Traduit par Éric Fontaine.

Publié dans SF-Fantastique

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S
Du coup, je n'ai pas bien compris s'il y avait des zombies dans ce roman... "Vongozero" (sans zombie) que tu cites m'a ennuyée et on peut dire qu'en ce moment on nous traduit vraiment beaucoup (trop) de romans de morts vivants : le zombie amoureux, le zombie sympa, le zombie marrant. J'en lis pas mal et là ça y est, je suis au bord de l'overdose, je crois...
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Y
Il n'y a pas de zombies, juste des blondes hystériques.